Parlons un peu de ce magnifique split partagé entre Sofy Major et Membrane et que les deux groupes ont largement fêté le 12 novembre dernier lors d’une release party bien sauvage – musicalement parlant – au Raymond Bar de Clermont Ferrand. Quand on dit magnifique on parle déjà de l’objet en lui-même : un vinyle à la fois transparent et blanc* de 12’ dans une pochette à l’artwork noir et blanc sobre mais réussi. Un CD accompagne le vinyle (sûrement pour alimenter le mange-disques de la voiture), il y a un insert avec les paroles, les détails techniques** et le verso de la pochette est troué au format des ronds centraux du disque, ce qui permet de laisser apparaître celui de son choix, comme à l’époque des bon vieux 78 tours de grand-papa.
Sofy Major propose quatre titres et démarre avec un Ruin It All à l’intro énormissime – rythme lent et lourd à la batterie noyé dans une reverb industrielle, ligne de basse tellurique et chant de goliath en polymétal mimétique –, intro qui laisse entrevoir un très grand moment. On pense tout de suite à Unsane, celui des deux premiers albums, à une époque où les new-yorkais savaient réellement composer des titres très lourds et très malsains et il y a bien longtemps que l’on n’avait pas été pris de tels frissons. Or Sofy Major n’est pas un groupe à mettre tous ses œufs dans le même panier et l’arrivée de la guitare puis d’un peu de chant clair apporte rapidement une coloration différente, disons plus stoner, qui fait lentement dévier Ruin It All jusqu’à ce tourbillon lyrique pendant lequel la voix vire à l’incantation sur fond de guitares hallucinées. Je reprendrais bien une goulée de cette excellente gnôle pour me remettre de tant d’émotions. La suite n’a peut être pas le même niveau d’excellence mais est tout aussi bonne, à commencer par un Doomsayer & Friends et un Some More Pills absolument furieux ainsi qu’un Once Was A Warrior où la lourdeur rythmique refait son apparition. Sofy Major est tout simplement l’un des tout meilleurs groupes de hard core noise de ce côté-ci de la planète.
D’apparence plus classique, les trois titres de la face Membrane, terriblement efficaces, sont très loin de passer inaperçus après le déluge Sofy Major. Le trio a cet avantage de pouvoir varier les chants (le guitariste comme le bassiste donnent de la voix) et propose une noise extrêmement lourde – avec une basse qui racle et rabote en même temps – et jouée sur des tempos ralentis induisant une tension voire une attente permanante… et on attend quoi ? La claque qui se trouve à chaque fin de titre et qui vous envoie au tapis. Davantage que les deux autres titres, Small Fires tient toutes ses promesses et plus encore, élevant ce split album au rang des réussites définitives de l’année.
* un vinyle qui selon les mauvaises langues ressemble au pire à un œuf de poule albinos tombé de la porte d’un frigo ouverte un peu trop brutalement et au mieux à une flaque de sperme abandonnée sur la moquette d’un Sofitel par un brillant esprit politique parait-il expert en matière d'économie et d’action monétaire
** dont les labels qui se sont cotisés pour publier ce disque et auprès desquels vous pouvez bien évidemment vous le procurer : Basement Apes Industries, Bigoût records, Impure Musik et Ocinatas Industries