lundi 19 décembre 2011

Doomsday Student / A Jumper's Handbook






« I have been the guitarist for Arab on Radar for over 12 years. I have devoted my life to making this music. Last year we called it quits due to infighting. The music was insane and so were the people making it. DOOMSDAY STUDENT is a new band created by all of AOR just replacing me. It comes as a slap in the face to me personally to have this fraudulent band playing in the likeness of AOR. This is unjust and should be called out. » - Mr. Clinical Depression. Ce petit texte balancé sur internet en septembre 2011 n’est absolument pas inventé : c’est Jeff Schneider, guitariste d’Arab On Radar, qui parlait ainsi. En résumé on peut expliquer qu’Arab On Radar, reformé comme tant d’autres groupes, n’a pas supporté d’avoir oublié pourquoi il s’était séparé une première fois. La tournée 2010 a capoté au bout de quelques dates seulement, Jeff Schneider a endossé le rôle du connard et les trois autres en ont profité pour monter un nouveau groupe du nom de Doomsday Student, avec un nouveau guitariste en remplacement de Jeff – allez, faut pas pleurer.
Anchor Brain, le label du chanteur Eric Paul, s’amuse à mener les fans d’Arab On Radar en bateau (« You know who these men are. They have been other men. Who they were before does not matter. »*) mais heureusement l’insert de ce A Jumper’s Handbook précise le nom du guitariste nouveau venu : un certain Paul Vieira. On le connait parce qu’il est également le guitariste des Chinese Stars, aux côtés d’Eric Paul et du batteur Craig Kureck – les anciens Arab On Radar ne sont donc pas allés chercher très loin pour remplacer ce salaud de Jeff Schneider. Un instant on a failli imaginer que par jeu le groupe avait lui-même monté cette histoire de toutes pièces, qu’il faisait semblant d’avoir viré Jeff Schneider : c’eût été la blague de l’année, voire de cette dernière décennie consacrée à la reformation et au retour aux affaires de groupes presque inconnus (sauf d’une poignée de fans inconditionnels) comme celui de vieilles gloires ayant passé suffisamment de temps à l’hospice ou à taffer dans des boulots merdiques pour avoir fait oublier leur nullité et leur ringardise initiales.
Si on donne toutes ses précisions c’est pour une seule et unique raison : en écoutant A Jumper’s Handbook ce n’est pas Doomsday Student que l’on entend mais Arab On Radar. Si on préfère : les deux groupes et leurs musiques sont en tout points identiques. C’est la première bonne nouvelle de cette histoire et de ce disque. On peut, onze années après le dernier album d’Arab On Radar, Yahweh Or The Highway, écouter à nouveau un nouvel enregistrement studio du groupe. Doomsday Student c’est la même batterie minimaliste et martelante, les mêmes guitares qui vous transpercent les tympans, le même chant qui raconte les mêmes histoires d’urine et de menstruations, le même minimalisme noise, l’ultime désossage du rock’n’roll et la même frénésie, le tout catapulté en dix titres repartis sur deux faces d’un 12’ qui tourne en 45 rpm. C’est un peu le roi est mort, vive le roi. Et onze années c’est amplement suffisant, donc, pour que l’on ait envie de réécouter cette musique, même enregistrée sous un autre nom de groupe, sans avoir à se plaindre de ses redites – et même si elle n’a pas bougé d’un pouce.
En conclusion, la seconde et dernière bonne nouvelle portée par A Jumper’s Handbook et Doomsday Student pourrait être celle-ci : il est donc possible en cette décennie merdique de business musical rétro-actif qu’un groupe qui se reforme ne puisse pas tenir ses engagements et finisse copieusement par se foutre sur la gueule. Il y a un côté rassurant dans le fait de penser il n’y a pas sur Terre que des musiciens technocrates abrutis et nécessiteux, qu’il y a aussi des merdeux inconstants et suicidaires. Mais que les Doomsday Student jouent précisément une musique identique à celle d’Arab On Radar est à la fois un immense plaisir et une façon de gâcher ce même plaisir en y instillant le doute car mis à part pour humilier Jeff Schneider, je ne vois pas d’autre intérêt dans cette opération d'auto métamorphose à l'identique. Reste que A Jumper’s Handbook est un petit chef-d’œuvre du genre, si j’écrivais dans un vrai journal dont l’une des méthodes d’appréciation serait de noter les disques, je mettrais 10/10 à celui-ci. Sans hésitation.

* une autre phrase du même goût et à la même signification est également gravée sur chacune des faces de ce 12’ vinyle, au cas où on n’aurait pas très bien compris la subtilité de la conversion d’Arab On Radar en Doomsday Student