Hartree-Fock Method marque le grand retour de Møller Plesset. Qui ça ? Et bien Møller Plesset, quoi… 2002 : un premier album, Rather Drunk Than Quantum, publié avec l’aide des copains sur un label du nom de K-Fuel records ; 2005 : un deuxième album, The Perturbation Theory, publié cette fois-ci par Perte & Fracas. Autant dire qu’à moins d’être breton, d’être client de la libraire Alphagraph à Rennes ou de faire partie d’un tout petit groupe d’initiés, Møller Plesset était le secret le mieux gardé du début de ce XXIème siècle. Tellement bien gardé que ce nom ne dit souvent pas grand-chose aux passionnés de guitares tressées en dentelle de fils barbelés et de noise rock un brin déviant, une chouille arty et avec une petite dose d’hystérie renfrognée en plus s’il vous plait, merci. Dans le meilleur des cas, si on tente de parler du groupe à un amateur éclairé dont on pense à l’avance qu’il ne pourra que déjà être de la partie, c’est tout juste si on récolte un « oui je connais de nom mais je n’ai jamais vraiment écouté » un petit peu gêné aux entournures. Sachez qu’il n’est pas trop tard pour vous rattraper, les deux premiers albums de Møller Plesset sont toujours disponibles, parce qu’évidemment il ne s’en est pas vraiment vendu des tonnes, à peu près autant d’exemplaires que le groupe a effectué de tournées triomphales en Europe du nord depuis 10 ans – ceci expliquant sûrement cela.
Ou alors on se tourne vers ce Hartree-Fock Method, donc, un EP de quatre titres sorti sans crier gare ou presque en ce mois d’octobre 2011, cette fois-ci chez In My Bed. Il n’est pas très différent des deux albums, ce nouvel enregistrement. Il a juste l’avantage d’être le plus récent, de débouler après une période de silence assourdissant de la part du groupe, de remettre en mémoire une musique unique, donc de faire espérer qu’il y a encore de la fraîcheur chez Møller Plesset, que ces quatre garçons bougent encore, même un peu. Par contre, si on ne connait pas du tout le groupe – ce qui, on l’aura bien compris, ne constituera en aucun cas un exploit insurmontable –, on aura gagné le privilège d’une belle découverte. Elle n’est pas facile la musique de Møller Plesset, malgré (ou à cause de) ses apparences faussement simples. Il faut s’accrocher, ça sent le cerveau qui fume, mais si on parvient à rentrer dedans, à dompter cette paire de guitares cascadeuses, si on apprivoise les deux chants aussi étonnamment spéciaux l’un que l’autre, et bien on comprendra enfin et on partagera ce sentiment de profonde injustice et d’incompréhension : pourquoi donc les Møller Plesset n’ont-ils pas recueilli un peu plus que ces quelques honneurs dispersés ?
Court et sec, le bien nommé Shorty débute la première face du disque et ravive instantanément la flamme d’antan. Oui, le groupe a pris de la bouteille, il est assurément moins direct ou moins violent qu’auparavant, mais il sait toujours allier cette impétuosité de travers avec la nécessité de faire monter la pression, toujours un peu plus, jusqu’à la frustration. Suit I Hear qui donne avant tout à écouter et apprécier le duel par ricochets des deux guitares, jamais outrageusement saturées (et ça fait vraiment du bien) mais toujours d’une aridité imparable et toujours également cette tension qui monte, qui monte, et le chant dans l’anti lyrisme le plus total mais pourtant tellement expressif (et judicieusement doublé à l’occasion par la seconde voix dans un registre presque féminin). Liar pourrait carrément flirter avec le post rock cher à Slint, comme dans une sorte d’état flottant, avant les enrouements de la voix et autres grondements feulés puis le retour des chœurs aigus alors que les guitares en profitent une nouvelle fois pour repartir de traviole – en quelque sorte slint vient de copuler avec US Maple et le résultat est absolument brillant. Reste Love Affair In Chemnitz, presque enjoué, mais les compositions de Møller Plesset ne dépendent pas de schémas préexistants, elles ne font même pas forcément appel à des structures cycliques et ce dernier titre de déraper, plus doucement, en laissant entrevoir pour la première fois du disque un lyrisme presque plaintif.
Les deux premiers albums de Møller Plesset étaient de superbes objets, même pour des CDs. L’artwork de Hartree-Fock Method a de nouveau été confié à EM mais cette fois-ci, c’est encore mieux : Hartree-Fock Method est un vinyle de 10’, sa pochette se déplie en un magnifique poster tout de noirs et de gris et retenu autour du disque par un obi façon japonais. Cet EP, tiré à trois cents exemplaires numérotés, est vendu par In My Bed au prix de 10 euros port compris, soit une misère pour un disque pareil.