Danisco (For Beauty) ? Connais pas. Mais quelque chose me dit que je vais en bouffer de ce Danisco là, et qui plus est pendant un certain temps. On récapitule : Danisco (For Beauty) est un duo palois mais instrumental à base de basse (Sébastien Lavigne) et de batterie (Alexis Toussaint). Oubliez les références à Sabot, NoMeansNo*, surtout qu’il y a de la guitare et aussi du chant chez les canadiens, et écoutez-moi donc ce bon gras-gras qui remonte à la surface des deux faces de ce LP agrémenté d’une tête de bœuf fraîchement découpée dans un abattoir homologué anti-abattage rituel – c’est vrai que tuer des bêtes « proprement », c'est-à-dire en se donnant une bonne conscience de prédateurs carnivores, c’est beaucoup mieux… la prochaine fois que vous croiserez une génisse ou un bœuf demandez-lui donc pourquoi, endormissement ou pas, il devient complètement fou et mort de trouille à l’approche de n’importe quel abattoir/laboratoire high-tech, rien qu’en sentant l’odeur de la mort et du sang répandu des collègues déjà passés à la moulinette à viande**.
Mais je m’égare et revenons-en à nos moutons. Lesquels ressemblent donc plus à des bovidés qu’autre chose, par exemple du bon gros taureau couillu et doté d’un large cou. Chez Danisco (For Beauty), tout est dans l’épaisseur, l’amplitude du tour de taille et la puissance du torse mais pas question ici de démonstration testostéronée au machisme conquérant ou de branlette de nerf de bœuf. A l’écoute de ce IV on choppe rapidement une bonne chair de poule car ce qui intéresse nos deux maquignons ce n’est pas de manier le couteau ou le hachoir à viande comme un cuisinier coréen en pleine ébullition mais de conjuguer puissance, souplesse, nervosité, gras – gras double, évidemment –, densité, vrombissements et un peu d’arithmétique. Tiens, et si on appelait la musique de Danisco (For Beauty) du sludge trigonométrique ? OK : l’idée est très mauvaise mais elle a le mérite d’affirmer que ce groupe est fait d’une viande qui se passe de tout étiquetage.
On n’aurait jamais osé croire qu’un tel mélange – le premier qui parle de farce je le passe direct au fer rouge – soit possible et le résultat, cinq titres plus un « remix » très réussi qui affolent le troupeau, fait preuve d’une originalité certaine. Contrairement à nombre de formations instrumentales et plus ou moins mathématiques, Danisco (For Beauty) est un groupe totalement non-arty, franc, direct, qui est à la fois capable d’une haute précision désinvolte et d’une lourdeur mastoc peu commune. Allez donc faire un petit tour du côté d’A Tant Rêver Du Roi, le label qui a permis à ce disque d’exister*** et payez-vous une bonne tranche séance collective d’équarrissage.
* tiens, au fait, vous vous rappelez de la pochette de Wrong ?
** comme je n’ai pas envie de passer pour un militant végétarien, je précise un tout petit peu : quelles que soient les conditions dans lesquelles sont abattus les beefsteaks, entrecôtes, blancs de poulet, saucisson, boudins et autres bonbons à la gélatine qui atterrissent dans votre assiette, c’est forcément dégueulasse, c’est forcément plein de sang, plein de barbaque qu’on écartèle et reprocher à certains le luxe ancestral de saigner les animaux n’est que de l’hypocrisie très mal placée et – restons poli – une énième résurgence de cet hygiénisme occidental qui fleure bon le racisme ordinaire à peine déguisé en politiquement correct
*** et qui fêtera au Printemps prochain son dixième anniversaire