samedi 29 septembre 2012

Oren Ambarchi / Sagittarian Domain



Sagittarian Domain a été publié par les Editions Mego coup sur coup après un Audience Of One (chez Touch records) plutôt décevant bien que démontrant de la part d’OREN AMBARCHI une volonté certaine de continuer à aller de l’avant et de changer une nouvelle fois d’horizon. Comme pour son précédent disque l’australien n’a pas enregistré tout seul Sagittarian Domain, se faisant ici très discrètement accompagner d’une petite section de cordes : Elizabeth Welsh au violon, James Rushford à l’alto et Judith Hamann au violoncelle. Lui-même a à nouveau multiplié les instruments (guitare, Moog et batterie), s’octroyant même un peu de chant dans un registre très fantomatique.
Sagittarian Domain étonnera peut-être celles et ceux qui connaissent déjà les albums solo les plus fameux d’Oren Ambarchi (pour information citons les magnifiques et inévitables Suspension en 2001, Grapes From The Estate en 2004, In The Pendulum’s Embrace en 2007 ou la compilation Intermission 2000 - 2008 – tous ces disques ont été publiés par Touch et sont encore disponibles). Tout comme celles et ceux qui préfèrent plutôt ses multiples collaborations en matière de musiques improvisées et/ou bruitistes seront également déroutés. Mais Sagittarian Domain ne surprendra pas ceux qui ont déjà compris qu’Ambarchi est finalement un musicien aussi curieux que divers : qu’il soit capable de jouer avec les microtonalités d’un Keith Rowe comme avec les déferlements sonores d’un Keiji Haino en dit long sur sa versatilité supposée, une versatilité telle un camaïeu déclinant subtilement toutes les nuances d’une même couleur. Cette versatilité en forme de puzzle en trompe l’œil reste d’autant plus remarquable qu’elle contribue totalement à l’identité d’un musicien passionnant et reconnaissable entre mille.
Il n’y a pas sur Sagittarian Domain de fourmillements virant au tremblement de terre ni de crépitements analogiques en mode piqures électriques mais une longue et unique pièce (trente-six minutes) parait-il enregistrée sous le coup d’une inspiration soudaine. Basé sur une rythmique aussi insistante qu’inamovible, Sagittarian Domain explore volontairement les effets de l’hypnose et de la transe en matière de répétitivité et d’empilement/succession de couches sonores. Oui on peut penser à certains groupes allemands de la fin des années 60 et début 70 et qui déjà maniaient le chamanisme psychédélique et les rythmiques à la rigidité élastique comme personne. La vision qu’offre Oren Ambarchi de cette musique est pourtant singulière et électrisante car elle s’appuie sur ses propres explorations sonores à la guitare, explorations dont il sort des sons uniques et qui n’appartiennent qu’à lui.
Sagittarian vire ainsi peu à peu au voyage cosmique, le pattern rythmique entêtant propulsant les expérimentations sonores du musicien toujours plus loin. Les apparitions d’abord fugaces des cordes ressemblent à une pluie d’étoiles filantes et ce sont ces mêmes cordes qui auront le dernier mot pour un final d’allure très classique et emprunt d’une mélancolie apaisante : le voyage est terminé mais il fut aussi beau qu’hypnotique.



[cette chronique aussi élogieuse qu’assumée, vous pouvez la retrouver à quelques nuances près dans les pages du #12 de new NOISE qui vient de paraitre en kiosque – buy or die]