samedi 22 septembre 2012

eaRLy W / Five : Grauzeit




Il semblerait que ce disque publié en 2011 soit presque complètement épuisé* ou pas très loin de l’être mais parlons-en malgré tout parce qu’il est d’un intérêt musical et historique certain voire primordial : comme le suggère les jeux de lettres entre minuscules et majuscules de eaRLy W, Five : Grauzeit documente les premiers enregistrements du premier groupe de RLW/Ralf Wehowsky.
Voilà qui éclaire sous un jour singulièrement nouveau le travail de cet expérimentateur/compositeur allemand qui a marqué les années 80 avec son groupe post industriel/expérimental P16.D4** et les années 90 avec ses enregistrements en solo plus proches de la musique acousmatique. Sur Grauzeit figure un line-up qui donnera bientôt naissance à P16.D4 et les deux derniers titres du disque ont même servi de base à la toute première cassette de ce groupe en 1981***.
Grauzeit n’est absolument pas un disque estampillé années 80 mais au contraire reste résolument tourné vers les 70’s et un peu plus précisément vers l’école de Canterbury. Un mélange de rock incandescent et spatial et de free jazz cérébral. Mais ce qui différencie Grauzeit ce sont ces interventions bidouillées/électroacoustiques qui frisent l’international cosmique – à égalité avec les rares interventions de voix sous forme de slogans balancés en l’air ou de certains raclements de guitare qui eux rappellent par contre le meilleur du post punk tendance no wave qui tente d’imiter Sonny Sharrock. Alors il ne faut pas trop se fier à la basse souvent bien mise en avant et dont les lignes tendraient à nous faire croire que l’on est en train d’écouter un disque de rock progressif du genre virulent et sous speed.
Au contraire, plus on avance dans l’écoute de Grauzeit et plus l’étrange et le bizarre prennent de la place, moins la décennie progressive/kraut impose son diktat et on a bien conscience de découvrir là la genèse d’un groupe qui quelques années plus tard sera reconnu comme un groupe important et majeure de sa génération.
Enfin on signalera l’excellente qualité de ces bandes : il s’agit d’enregistrements studios peut-être parfois un peu cheap sur les bords mais absolument pas d’ignobles résidus de surfaces magnétiques. Tout ceci provient directement des archives de Ralf Wehowsky****, lequel s’avère être un conservateur averti et méticuleux. On ne va pas s’en plaindre.

* il n’a été publié qu’à cent exemplaires en CD par le label Songs From Under The Floorbords – qui est aussi le titre d’une chanson de Magazine –, en fait un sous-label de Intransitive Recordings chez qui il semble toujours disponible… une autre édition chez Absurd records est par contre complètement sold out
** certains disques de P16.D4 ont été réédités (Kühe In ½ Trauer en 1994 par Odd Size ou Tionchor en 1998 par Sonoris par exemple) mais ces rééditions sont elles-mêmes devenues introuvables à des prix décents : il serait grand temps qu’un autre label remette ces magnifiques enregistrements à la lumière
*** en attendant ce groupe s’appelait encore P.D. et a publié un unique album Inweglos en 1980, un album réédité en 2004 par Absurd records mais toujours et encore épuisé
**** il existe plusieurs disques estampillés eaRLy W : In Search of C.R chez Swill Radio en 1999, Nur Die Tiere Blieben Übrig en 2001 sur le même label, Neue Deutsche Peinlichtkeit chez WSDP en 2004 ou Ajatollah Carter la même année chez Editions Zero – tous ou presque ont le même type de pochette et ils participent également à une nouvelle forme impitoyable de recherche du Saint Graal