J’ai très longtemps fait partie des grincheux et
des insatisfaits notoires qui se préparaient à regretter pour l’éternité
l’abandon – définitif* ? – par le démoniaque WEASEL WALTER des voies de
l’électricité explosive et du chaos final depuis la dissolution des irremplaçables
Flying Luttenbachers. Mais aujourd’hui je dois bien avouer que continuer de
pleurer sur la dépouille décomposée des Flying Luttenbachers est purement et
simplement une perte de temps. Car le grand Weasel Walter, désormais entièrement
dévoué à la cause de l’improvisation libre et de la freeture à toutes heures, a
fait largement la preuve de tout son talent en la matière. D’autant plus qu’il
sait très bien choisir ses partenaires : sur ce Mechanical Malfunction on retrouve, aux côtés du fantasque batteur,
le géniale et brillant trompettiste PETER EVANS ainsi que la formidable et trop
méconnue guitariste MARY HALVORSON.
Mechanical
Malfunction n’est pourtant pas le premier enregistrement du trio – que l’on
avait découvert en 2006 avec Mystery Meat
chez ugEXPLODE, le propre label de Walter – mais il s’agit de très loin du
meilleur, même si on pourra également conseiller son prédécesseur direct, le
très jubilatoire Electric Fruit, publié
lui chez Thirsty Ear. Peter Evans et Mary Halvorson jouent tout deux depuis
quelques années avec Weasel Walter (la guitariste et le batteur ont aussi des enregistrements
en duo, toujours et encore chez ugEXPLODE) et ce sont tous les deux des
musiciens extrêmement fins et surtout très inventifs, capables d’une multitude de
petits détails fourmillants comme de vrais coups d’éclat définitivement drolatiques
voire impertinents.
Le jeu autrefois terriblement démesuré de Weasel
Walter colle désormais parfaitement au langage et à la syntaxe des deux
autres : le batteur développe toujours autant de puissance, il est
toujours le roi intraitable et sans pitié du pilonnage intensif mais il joue
sur un petit kit qui à l’image de la grosse caisse de petit diamètre attaque
plus dans les médiums et dans les aigus. Résultat, ses frappes incessantes
sonnent davantage comme des piqûres et des coups d’aiguillons que comme des
explosions thermonucléaires. Walter utilise également des percussions annexes
et des accessoires qui éclaircissent son jeu. On est donc très éloignés de cette
époque bénie et fracassante, quand Weasel Walter avait pour unique devise
« death metal is free jazz », enregistrait des disques bruyamment
foutraques et donnait des concerts démentiels de violence mais on apprécie le
côté extrêmement ludique et frais de Mechanical
Malfunction, un disque qui (peut-être) pourra faire oublier aux détracteurs
de l’improvisation libre et du free jazz le côté souvent trop cérébral de la
chose (je l’admets).
[Mechanical
Malfunction est publié en CD par Thirsty Ear]
* régulièrement des bruits de couloirs arrivent
jusqu’aux oreilles des informateurs de 666rpm comme quoi les Flying
Luttenbachers se reformeraient sous le meilleur line-up du groupe c'est-à-dire
celui qui a enregistré l’album Cataclysm
en 2006, donc Ed Rodriguez et Mick Barr aux guitares, Mike Green à la basse et
Weasel Walter à la batterie… mais, honnêtement, je n’ose y croire : Weasel
Walter a largement annoncé que les Flying Luttenbachers c’était bel et bien fini
et voilà un homme qui change rarement d’avis