En guise d’introduction je vais très paresseusement me
contenter de reproduire ci-après une partie de la niouzeletter du collectif Grrrnd Zero reçue en début d’année. Je rappelle
aussi que Grrrnd Zero était expulsable de ses locaux du 40 rue Pré-Gaudry à la
date du 31 décembre 2012.
[…]
2013
et Grrrnd Zero encore à Gerland pour quelques mois de plus !
Au terme d'une saignante course
poursuite contre la destruction de notre QG au 40 rue Pré-Gaudry, nous avons
reçu une bonne nouvelle pour Noël : le prolongement de notre bail jusqu'à
fin avril !
Les plus futés reconnaîtront la
proximité d’agenda avec un certain événement musical qui clôturera après nous
le sursis accordé aux anciennes usines Brossette. Nous laisserons aux
intéressés le privilège d'en parler eux-mêmes.
Nous, nous croquons ce sursis de
toutes nos caries, on l’embrasse de toutes nos cellules malignes, on avale
cul-sec le remède familier et corrupteur du délai supplémentaire tant nous
sommes dépendants de notre beau et bancal Grrrnd Gerlande.
Si cet ajournement nous soulage
énormément (vu l’insuccès des négociations jusqu'à présent) il ne doit pas nous
faire replonger. L’échéance est toujours là, toujours inchangée : que ce soit
le 31 décembre ou le 30 avril, nous déménageons pour le moment encore pour
nulle part. Si d’ici deux mois notre relogement n’est pas plus avancé, nous
nous retrouverons une fois de plus au pied du mur. Nous continuons de travailler
avec les pouvoirs publics, monts et merveilles nous sont une fois de plus
promis, ce qui ne nous empêchera pas de garder les yeux ouverts à la recherche
de lieux.
En attendant ce sursis veut
aussi dire que le Hangar, notre nouvelle salle multisports-phoniques reste
ouverte !
[…]
Voilà,
rien à ajouter pour l’instant si ce n’est que toute
l’installation/infrastructure mise en place par Grrrnd Zero dans une partie des
anciennes usines Brossette sera détruite et remplacée pour permettre au festival
des Nuits Socialistes Sonores d’y installer la sienne ; tout ça
pour ça.
Mais place à la musique puisque le 40 rue Pré-Gaudry reste donc provisoirement ouvert et qu’en ce samedi 5 janvier Grrrnd Zero accueillait une affiche méritant bien de marquer la reprise des concerts après la trêve obligée de la fin d’année et l’overdose de bouffe et de bons sentiments qui va avec : Carne, Neige Morte et Monarch étaient officiellement chargés de nous mettre à genoux et de nous fournir un régime poids lourd.
CARNE
on les a déjà vus plein de fois, on a même du assister à leur tout premier
concert et depuis on ne se lasse pas de les revoir. Le duo (guitare + voix et
batterie) joue bien carré et surtout insiste lourdement avec des mid-tempos
toujours très appuyés ; cela pourrait être monotone mais en fait Carne assure
sans broncher et avec une conviction toute communicative et sans faille. La
deuxième moitié du concert est bien meilleure que la première – sûrement parce
que les deux Carne ont enfin fini de se réchauffer dans l’atmosphère glaciale
du hangar de Grrrnd Zero – et le groupe fait alors preuve d’une cohésion qui
lui donne des ailes.
On
remarque également des progrès certains côté chant – parce que beugler comme un
troll en rut c’est plus difficile à faire que ce qu’on croit et que tout le
monde n’est pas capable de s’infliger des gargarismes à l’eau de javel matin
et soir pour obtenir un tel résultat – ce qui n’empêche pas le duo de terminer
son set sur deux excellents titres instrumentaux. Conclusion : c’est
lourd, c’est gras, c’est Carne.
Arrive NEIGE MORTE, groupe à la formation assez improbable et étrange parce que monté par Sheik Anorak à la guitare, aux boucles et aux bruits, Xavier ex-Overmars et actuel Alabaster au chant et Jo de Burne à la batterie (aux débuts du groupe c’est Hugues Pzzzl de 12XU et Veuve SS qui se chargeait de celle-ci). Les mélanges ça peut parfois avoir du bon parce que le metal extrémiste de Neige Morte qui pourrait ressembler à beaucoup trop de choses ressemble surtout à rien de très formaté ou d’attendu : amateurs de sensations fortes ce groupe est fait pour vous.
Black metal, death, doom et noise se côtoient donc pour le meilleur et
quand on dit « meilleur » ce n’est absolument pas une vue de l’esprit : Neige Morte n’a joué que des nouvelles compositions et ce fut un vrai
bonheur massacre acharné et névrotique. Le guitariste travaille énormément
sur les textures (ça, on s’en serait un peu douté) et c’est le batteur –
incroyable machine de guerre, crâneur suprême de la double pédale – qui redonne
des contours plus formellement métalliques à tout ce chaos multiforme. Quant au
chant, et bien on a beau avoir affaire à un brailleur chevronné et patenté on
reste quand même estomaqués par l’expression de tant de noirceur et de tant de
haine : la crédibilité cela ne s’improvise vraiment pas.
Précisons
enfin que Neige Morte est actuellement en plein enregistrement de son deuxième
album, mettant en boite les titres que justement le groupe a joués en ce samedi
soir à Grrrnd Zero – on attend donc le résultat avec impatience…
Tête
d’affiche – si on peut dire – de la
soirée, MONARCH est également un groupe
parfaitement expérimenté et au point. Et même après avoir déjà vu quatre ou
cinq fois ces jeunes gens maléfiques en concert, on ne saurait bouder leur doom incantatoire
et abyssal. Une fois de plus Monarch va se déchainer et faire des merveilles :
puissance de feu, interprétation impeccable, théâtralité et gestuelle appuyées,
dramaturgie redoutable, ambiance de plomb et bien sûr une musique dont on ne peut
pas se lasser (le dernier album, Omens, est l’un des tout meilleurs du
groupe).
Seule
nouveauté, la présence d’un cinquième membre, coincé avec sa guitare tout à
fait sur la droite de la scène, un garçon visiblement moins aguerri et moins à
l’aise que ses petits camarades et partenaires de crime mais qui possède
l’avantage certain de présenter quelques signes de ressemblance troublante avec
Joe Preston (du moins avec sa caricature melvinsienne). Une deuxième guitare qui ne
change pas non plus fondamentalement grand-chose au mur du son impitoyable de Monarch
mais on imagine sans peine qu’il faudrait du temps à n’importe qui pour réussir
à se faire une place au sein d’un groupe à la personnalité aussi forte que celui-ci.
Après
avoir déversé des torrents boueux de hurlements déchainés et de saturation/feedback
evil as fuck, après avoir également déclenché quelques tremblements de terre,
Monarch semble arriver au terme de son périlleux sabbat initiatique et
atteint les profondeurs lugubres et down-tempo dont personne ne peut sortir indemne ;
retentit alors et presque comme par magie une ligne de basse reconnaissable entre
mille et géniale entre toutes : Monarch de se lancer alors sans aucune
crainte dans une reprise réellement sulfureuse et très réussie d’I Got Erection de Turbonegro – et chanté par
une fille c’était encore mieux. Un final à la Blue Oyster Cult plus tard, on se
dit qu’il s’agissait là du contrepoint parfait à un concert placé sous le signe
de la noirceur et de l’apocalypse (dudes).
[les
photos du concert c’est par ici ; un grand merci à Jo Burne
pour avoir laissé chez lui sa machine à fumigènes]