La bête ressort de sa tanière. Et il est toujours
extrêmement réjouissant d’avoir des (bonnes) nouvelles de Benjamin Nerot,
moitié barbue de Belone Quartet et désormais plus connu sous le sobriquet de
The Healthy Boy* ; le nouveau projet du bonhomme s’appelle NOIR ANIMAL et vous m’en direz bien quelques
nouvelles.
Pourriture
Noble est le titre d’un premier EP publié en 2012 chez Kizmiaz
records : six titres d’un vieux blues hautement cradingue et torché à l’électricité,
une musique dominée – asservie ? – par une voix matinée à l’éthanol et au
goudron, une gouille entre chien et loup, des grondements excentriques qui –
c’est vrai – rappelleront les excès d’antan de feu Captain Beefheart et de Tom
Waits (ce dernier ayant à une époque beaucoup pompé sur ce cher Don Van Viet). Cependant
on arrêtera là les comparaisons hâtives parce que sur Pourriture Noble les parties de batterie ne reprennent pas la folie
rythmique d’un Drumbo/John French pas plus que les guitares ne suivent les
entrelacs de celles de Zoot Horn Rollo/Bill Harkleroad et de Antennae Jimmy
Semens/Jeff Cotton… il faut savoir remettre les choses à leur juste place.
Ce qui n’empêche pas Pourriture Noble d’être, basiquement, vraiment bien ; et Ben
Nerot d’y perdre apparemment toute réserve et toute raison. Le bien nommé Barking est loin d’être le meilleur
titre de Pourriture Noble mais il a
l’avantage de démarrer le disque et de poser les bons repères, exactement de la
façon qu’il faut, c’est-à-dire une façon qui donne envie d’écouter la
suite : du rythme (la batterie est ici tenue par un ancien Komandant Cobra),
des guitares simples qui distillent du riff à jouir et ce chant, donc, qui
donne envie de trinquer avec le principal intéressé et d’écouter ses histoires
fantastiques jusqu’au bout de la nuit.
Ce n’est pas la première fois que Benjamin
Nerot/The Healthy Boy/Noir Animal nous prend par surprise – on se rappelle très
bien d’un superbe album en compagnie de Faustine Seilman – mais l’entendre jouer les vieux
rockers dépravés (pléonasme ?) est assez jubilatoire. On l’imagine même se
fendre d’un duo à combustion lente avec un autre nantais émérite dont le
terrain de jeu n’est pas si éloigné que cela de celui de Noir Animal :
j’ai nommé Tom Bodlin bien sûr**, d’ailleurs il paraitrait que ces deux là tourneraient
ensemble dans un futur proche. La grosse débauche.
Et puis Pourriture
Noble a aussi ses mystères : le chaloupement des guitares sur le
formidable The House Down The Hill
par exemple, une tournure de phrase que l’on attend chez les illuminés de The
Ex (comme quoi tout arrive) ; et puis The
Things We Let Go Away qui va encore plus loin en vous titillant d’amour fou
tout en vous serrant le cœur – The Things
We Let Go Away possède la légèreté trompeuse des chansons graves qui
restent à tout jamais gravées dans les mémoires***.
Pourriture
Noble est publié en vinyle uniquement par Kizmiaz records ; le
disque, la pochette et les ronds centraux ne comportent aucune inscription, pas
de nom d’album ni rien : donc regardez bien cette gueule sur la photo et
la prochaine fois que vous la croiserez dans un bac à disques, et bien
souvenez-vous en.
* à paraitre dans pas si longtemps que cela un
nouvel album de The Healthy Boy And The Badass Motherfuckers, Farce Carne Camisole, chez Kythibong
** on reparle également bientôt de Spit In The Air And Take Out Your Umbrella,
le troisième album de Tom Bodlin qui vient de paraitre en LP chez Kerviniou
records
*** mémoire qui bien sûr me joue des tours :
j’ai longtemps cru, des fois je le crois encore, que The Things We Let Go Away est une reprise transfigurée d’une
chanson dont je ne semble pas connaitre la version originale