La petite frayeur du samedi soir : en arrivant
devant les portes du hangar de Grrrnd Zero
je trouve celles-ci bel et bien fermées et aucune trace tangible de vie aux
alentours. Il me faudra un certain temps avant de découvrir que le concert du
jour a finalement lieu dans un autre endroit, beaucoup plus petit, beaucoup
plus cosy et surtout nettement moins réfrigéré. Un choix pertinent de la part
des organisateurs qui en plus ne semblent pas s’attendre à un public trop nombreux.
Je me retrouve donc juste à côté, au Grrrnd
Saloon, un endroit où je n’ai pas mis les pieds depuis des mois (années ?),
confortablement avachi dans un vieux fauteuil tout défoncé et écoutant paresseusement
une sélection de vieilleries balancées dans la sono – Iron Man de Black Sabbath, les Cramps, Gang Of Four – ou de trucs
plus contestables (la chanson des nains de jardin sous acide qui avait servi de
single au premier album de Battles, non je ne vais faire aucun effort pour
tenter de m’en rappeler le titre). Puis lorsque retentit She’s In Parties de Bauhaus (en version maxi s’il vous plait, avec
l’ajout final en forme de dub paraplégique toujours aussi efficace) je me dis
que je suis vraiment bien là, assis à ne rien foutre et à attendre doucement
que ça se passe.
Attendre quoi ? Et bien attendre que BESOIN DEAD pointe enfin le bout de son nez, puisque c’est ce groupe que je suis tout particulièrement venu voir, chauffé à blanc par une première cassette plus que prometteuse. Le matériel du groupe est déjà installé – en particulier cette batterie incomplète (il n’y a pas de charley et pas de toms mediums) mais sur laquelle une guitare a été montée… Je décide alors de faire semblant de ne pas me souvenir de tout ce que l’on m’a déjà raconté – en bien – sur Besoin Dead.
C’est devant un public encore restreint que le duo
commence son concert et décline les titres de sa démo cassette. L’originalité
du groupe ne fait pas que vous sauter aux yeux avec cette guitare/batterie
martyrisée à grands coups de baguettes et à la force du poignet, elle apporte
surtout un grand courant d’air frais à vos petites oreilles : le post punk
tribal et kraut de Besoin Dead louvoie entre implosion et explosion, inventif
et foudroyant, sauvage et irrésistible. Pour une fois le chant ne sert pas non
plus à rien et ce chanteur/guitariste – Jessica 93 pour les intimes – développe également un jeu de guitare noise foisonnant et au psychédélisme massif
Seul reproche : la trop courte durée du
concert, même pas une petite demi-heure, le groupe épuisant rapidement son fonds
de compositions. Mais ce fut si intense que pour une toute première fois et
bien je ne vais pas m’en plaindre. Mais, s’il vous plait jeunes gens, pensez
donc un jour à nous mitonner de nouvelles compositions, à rallonger votre set,
à enregistrer un vrai disque*, à repartir en tournée et revenir nous voir
pour un nouveau concert aussi fracassant que celui-ci.
Lorsque je reprends mes esprits et regarde un peu autour
de moi après le concert de Besoin Dead, je me rends compte que le saloon de
Grrrnd Zero s’est considérablement rempli et que l’on risque dangereusement la
surpopulation et les mouvements de foule incontrôlés qui vont avec. Plein de
gens, de partout : c’est donc devant un parterre fourni en fans d’Headwar
toujours au courant de tout qu’USÉ s’apprête
à jouer.
Parce qu’Usé c’est l’un des projets en solo de
Nico d’Headwar et que lui aussi développe une installation atypique avec une
basse (ou une guitare avec des cordes en moins) et une guitare posées à plat, un ensemble à bidouilles (et deux rochers
Suchard en cas de grosse fringale), une grosse caisse et une petite caisse
claire. Techniquement et dans le principe on aurait pu s’attendre avec Usé à
quelque chose d’assez proche de l’envoutement sauce Besoin Dead c'est-à-dire
des guitares terroristes mais surtout luxuriantes et menées à la baguette psyché** or
il n’en est rien : on reconnait plutôt chez Usé les assauts no wave et nihilistes
d’Headwar, cette façon de lancer des torpilles tribales constellées de
dissonances déchirantes.
Malheureusement on n’a pas vraiment non plus le
temps de se demander si Usé ne fait qu’adapter en solo la folie d’Headwar ou si
le one man band va aller dans d’autres directions (avec l’apport de plus de bidouilles) parce que Usé ne joue que trois titres, dont un aussi
fulgurant qu’une décharge d’orgues de Stalline, et que son set dépasse à peine
les dix minutes. C’est à la fois très drôle et très frustrant mais – finalement
– c’est surtout et encore une fois très frustrant…
Dernier nom sur l’affiche, GÉRANIUM est un autre
one man band, celui de Jonathan, batteur de Maman Brigitte (ex-Pan Pan Pan)***.
Ici pas de batterie ou de percussions mais une techno ultra minimale et basée
sur l’interaction entre les rythmes (oui, quand même). Le garçon manipule en
direct et quasiment dans le noir des boites magiques qui clignotent doucement
et rajoutent une allure assez irréelle à la musique de Géranium. Quoi ?
Vous n’aimez pas l’electro en général et la techno minimale en
particulier ? Et bien vous avez tort.
[pour regarder quelques photos du concert c’est par ici]
* un vrai disque mesure entre 15 et 30 cm et
tourne à la vitesse de 45 ou de 33rpm mais aux dires de Pascal,
batteur/guitariste de Besoin Dead et activiste sans répit de Et Mon Cul C’est Du Tofu ?, il ne faut pas
s’attendre à un nouvel enregistrement de Besoin Dead avant la fin du printemps
prochain…
** Nico Headwar est d’ailleurs la personne qui a
assuré la prise de son de la démo de Besoin Dead
*** mais là j’ai soudain un doute énorme : le
flyer indique bien Pan Pan Pan, le groupe aurait-il décidé de revenir en
arrière et à son premier nom ?