lundi 3 octobre 2011

Report : Paramount Styles au Sonic






Il y a quelque chose de vraiment irrésistible chez Scott McCloud. Le bonhomme dégage une forte personnalité, même lorsqu’on le découvre trainant sur le pont du Sonic affublé d’une horrible veste blanche dont il a bien pris soin de remonter le col – dans la plus pure tradition du vieux beau. Ce soir c’est le grand retour de Paramount Styles, le groupe qu’il a monté depuis la mise en sommeil prolongée de Girls Against Boys. Enfin, « grand retour », ça c’est moi qui le dis puisque il y aura bien moins de public au Sonic que lors du précédent passage du groupe il y a presque deux ans, au même endroit.
Sans doute les gens se sont-ils réservés pour les concerts des jours à venir (en vrac : Melvins, Lydia Lunch/Big Sexy Noise et le Riddim Collision) mais il faut choisir et donc j’ai choisi : pour des raisons aussi triviales et personnelles – les Melvins – qu’esthétiques – Big Sexy Noise – c’est donc Paramount Styles qui remporte la palme du concert/sortie de la semaine. Mais ce ne fut absolument pas un choix par défaut et effectivement je ne vais pas le regretter.



Le line-up de Paramount Styles est presque exactement le même qu’il y a deux ans. Seule différence notoire : la présence d’une violoncelliste. Ce qui n’était d’ailleurs pas sans générer quelques inquiétudes quant à la dynamique de Paramount Styles sur scène mais c’est tout le contraire qui s’est finalement produit : on avait certes beaucoup trop de mal à entendre ce violoncelle mais ses quelques apports étaient largement à mettre au bénéfice de la richesse sophistiquée d’une musique qui ne cache pas son jeu.
Sinon on a eu aussi un peu de mal à reconnaitre le bassiste/porte-manteau de service mais vu son peu d’implication sur scène, on a fini par en déduire qu’il s’agissait bien du même musicien ou de son clone – une chose est sûre, ce n’était pas Geoff Sanoff qui a joué et a produit les deux premiers albums de Paramount Styles. Alexis Fleisig était bien sûr toujours derrière la batterie et il a démontré pendant tout le concert ce qu’est un vrai batteur, se permettant même d’être par instant des plus spectaculaires alors que la musique de Paramount Styles ne s’y prête pourtant pas vraiment.
Enfin, c’est avec une immense satisfaction que l’on a constaté que Chris Smet tenait à nouveau le poste de guitariste. Il avait illuminé le précédent concert de Paramount Styles et il fera pareillement pour celui-ci, malgré un visage crispé par une douleur aigüe, le bonhomme souffrant d’une rage de dents maléfique à se flinguer. 




Il y a peu de différences entre Failure American Style et Heaven’s Alright, les deux albums que le groupe a publié jusqu’ici. Tout juste note-t-on une production plus léchée sur le second. Beaucoup de titres interprétés pendant la première tournée de Paramount Styles ont été enregistrés ensuite et publiés sur Heaven’s Alright  – Come To Where You Are, moment fort des concerts entre tous, y figure même dans une version live mise en boite en janvier 2009 à Leuven, Belgique. Il était assez logique que les deux concerts se ressemblent également.
Seulement n’est pas Scott McCloud qui veut et quand on parlait d’un chanteur irrésistible, cela signifie d’abord que son charisme, son grain de voix et ses compositions restent irremplaçables. Admettons que sa musique nous a eus à l’usure – tout d’abord parce qu’en concert Paramount Styles va bien au delà et qu’il a fallu passer par cette expérience là pour commencer à apprécier les disques – et que du temps a passé avant que l’on oublie que Scott McCloud était auparavant le chanteur/guitariste/compositeur de Girls Against Boys. Avec Paramount Styles, derrière le côté classique d’une représentation musicale toujours plus basée sur un songwriting fin et élégant, on assiste à un concert de très haute tenue, tour à tour intense, parfois groovy et avec une pointe d’intimisme, lequel est bien loin de casser l’ambiance des titres plus vigoureux. Ainsi les hits se succèdent et s’enchainent sans discontinuer*. Chris Smet enquille lui les verres de gnôle pour conjurer la douleur de plus en plus insoutenable qu’il ressent aux dents – après le concert on le verra pleurer sur le pont du Sonic, n’en pouvant vraiment plus et attendant qu’on l’emmène pour le soigner d’urgence. Il a eu un sacré courage de jouer malgré tout. Et ce fut un bien beau concert.




En première partie Cotton Wood  nous a gratifiés de son blues ultra roots. Le bonhomme joue vraiment bien, a une technique tout en fingerpicking impressionnante et un son granuleux qui interpelle. Malheureusement, lorsqu’il se met à chanter ses vieux standards de blues, on ne peut que constater que sa voix ne suit pas question timbre et puissance.
Je ne saurais dire autre chose concernant Cotton Wood, n’étant pas très familier ni spécialiste de ce genre de musique. Seulement je préfère les musiciens qui ne prennent pas le blues au pied de la lettre et s’en serve comme d’un levier pour dévoyer une tradition musicale – ce qu’était, il me semble, le blues à ses origines.

* un camarade fort érudit mais néanmoins facétieux, tous les sens en éveil, a même réussi à deviner que Paramount Styles nous avait gratifié d’une reprise des Misfits.