mercredi 5 octobre 2011

Barn Owl / Lost In The Glare






Avec Lost In The Glare, le deuxième album du duo pour Thrill Jockey mais quelque chose comme son dixième depuis ses tout débuts, Barn Owl démontre avec une facilité déconcertante et une conviction aveuglante et aveuglée qu’il n’a vraiment plus rien à proposer de consistant et surtout qu’il est dans une phase de régression assez flagrante. Rien de bien méchant, rassurez-vous, parce que Evan Caminiti (guitare, orgue et voix) et Jon Porras (guitare, farfisa et piano) ont de la bouteille, savent y faire pour planter une ambiance desséchée et accueillante comme une tente plantée sous un soleil de plomb dans un désert de sable et de sel et que, pour dire les choses honnêtement, Lost In The Glare n’a rien de désagréable ou de dérangeant.
C’est peut être là le truc qui ne va pas. Barn Owl et sa musique d’ascenseur pour hippies égarés entre deux étages d’un magasin Nature & Découverte, on s’en foutrait presque, on n’écoute que d’une oreille, on feuillète son magazine préféré en même temps, on surveille distraitement l’avancée des devoirs d’école que les gosses doivent terminer pour le lendemain, on baille, on a un peu faim (mais le frigo est vide), on réfléchit où on a déjà entendu les saturations lancinantes d’un The Darkest Night Since 1683 ou le faux blues crépusculaire d’un Devotion I et Devotion II. On trouve les réponses facilement. Beaucoup trop facilement. Lost In The Glare est un disque qui plairait à ma mère parce qu’il lui rappellerait presque la bande son d’un vieux film de Wim Wenders. Il plairait aussi à ma sœur parce qu’à elle cela lui rappellerait plutôt la musique d’un film de Jim Jarmusch. Mais à moi cela ne me plait pas beaucoup. Voilà un disque bien foutu mais déjà entendu – entendu même mille fois de trop au cours de ces dernières années – et qui donc me tombe des oreilles. Un peu comme le concert de Barn Owl auquel j’ai assisté un peu plus tôt cette année.
Le mysticisme dans la musique ça m’emmerde souvent. Pire : ça me dérange. Parce que la plupart du temps il n’y a rien du tout derrière. Je préfère largement me taper une œuvre ouvertement religieuse ou déiste parce que la musique sacrée (sans être du tout d’accord avec les idées, philosophies et dogmes qu’elle véhicule) relève d’une transcendance dont la musique profane – lorsque elle se la joue spirituelle sans pour autant savoir faire naître quelque mystère inexplicable de formes et de couleurs qui finissent ainsi par être un tout indépendant – la musique sacrée relève d’une transcendance (donc) dont la musique profane se révèle le plus souvent complètement incapable. Question de résonnance « intérieure » par rapport à telle musique et pas à telle autre ? Sûrement, oui. Il n’empêche que, dans un registre très similaire, les disques de Earth (dernière période en date) se révèlent autrement plus aboutis, passionnants et consistants. On s’y accroche et au moins ils nous font vibrer. Ah! et puis tiens, voilà une très bonne idée : je fonce réécouter pour la énième fois Hex; Or Printing In The Infernal Method de ce très cher Dylan Carlson. A croire qu’il n’y a que les vieux musiciens qui arrivent à mettre un peu de leur âme dans les musiques qui prétendent vous emmener ailleurs. Les autres – tel Barn Owl – ne font que prêcher dans le désert. Qu’ils y restent.