mercredi 19 octobre 2011

Hella / Tripper





Hella est de retour… près de quatre années après There’s No 666 In Outter Space. Un album controversé qui – c’est le moins que l’on puisse dire – aura divisé les foules. Les raisons en étaient simples mais rappelons-les malgré tout : sur There’s No 666 In Outter Space Hella jouait avec un line-up élargi à cinq c'est-à-dire avec une guitare additionnelle, une basse et surtout du chant, souvent jugé calamiteux – encore pire que celui de Cedric Bixler-Zavala, c’est tout dire. Fait assez rare dans l’histoire de la musique, le duo guitare/batterie de choc s’agrandissait alors et expurgeait toute une partie de son passé pour proposer autre chose, pas en complet décalage, non, mais suffisamment différente pour faire hurler les puristes. Mais même celles et ceux qui parmi les anciens fans du groupe avaient apprécié There’s No 666 In Outter Space et son space rock gentiment noise et bancalement admissible ne pouvaient également que reconnaitre que cet album était bien en deçà des précédents disques de Hella – chacun a son préféré, à 666rpm on aime plus particulièrement les tout débuts du groupe, l’album Hold Your Horse Is, le split partagé avec Dilute chez Sickroom records et le EP Bitches Ain't Shit But Good People (avec un titre chanté, déjà).
Avec Tripper Hella est de retour à la formule duo – donc uniquement Spencer Seim à la guitare et Zack Hill à la batterie – et semble-t-il prêt à en découdre avec ses vieux démons. Le groupe est quand même une référence sacrée en matière de math rock foutraque et désaxé et a ouvert maintes brèches dans lesquelles se sont engouffrés nombres de suiveurs, certains dépassant largement leur modèle. C’est que du temps a passé, on en a vus et surtout entendus beaucoup d’autres et ce retour aux affaires d’Hella est entaché, disons le franchement, d’une certaine complaisance due uniquement au glorieux passé du duo. Affirmons aussi qu’il va falloir qu’Hella en mette un sacré coup pour tenir la concurrence à distance et faire taire tous les petits jeunots qui marchent désormais sur les platebandes du groupe.
Or sur Tripper – publié par Sargent House – le miracle n’a pas lieu. Les résurrections c’est uniquement bon pour les obscurantistes religieux et avec ce sixième album Hella se retrouve le culte par terre. Rien de mauvais, rien de repoussant et rien de rédhibitoire mais que du banal, du rantanplan mélodique, des roulements incessants en mode automatique, du déjà entendu mais en beaucoup (beaucoup) moins bien et du gentiment foldingue. On a réécouté Tripper plusieurs fois et on persiste : ce disque est sympathique. Sympathique cela veut dire qu’on l’oublie dès qu’il est terminé, qu’il est aucunement excitant et – pire – qu’il ne donne pas vraiment envie de retourner voir un jour Hella en concert.
Cherchant ce qui a pu ainsi atténuer la flamme intérieure d’un groupe qui pourtant ne manquait ni de mordant ni de folie, on finit par comprendre que ce qui tue Hella sur Tripper c’est le sérieux clairement affiché. Beaucoup trop de sérieux. Spencer Seim et Zack Hill sont des musiciens très impressionnants mais, fort heureusement, ils jouaient aussi comme des patates. C’est l’exubérance, le côté chien fou et le punk as fuck qui faisaient tout leur truc. En mettre de partout c’est bien, mais à la seule condition de le faire comme des porcs, exactement ce à quoi arrivaient les deux Hella. A l’écoute de Tripper, surtout le dernier tiers du disque qui frise l’hypoglycémie caractérisée, on sait que Seim et Hill se prennent au sérieux, sont persuadés d’être des dieux alors qu’ils ne sont que des tâcherons qui besognent leurs instruments comme des abrutis de « vrais » musiciens. Or, en matière de folie musicale, il n’y a rien de pire qu’un musicien qui se croit arrivé sur un sommet, aveuglé par son « exploit » alors qu’il vient d’emprunter une voie qui ne peut que le mener que de plus en plus loin mais nulle part précisément, à la recherche d’un idéal d’instrumentiste qui n’existe pas, éternellement et en vain. Et il n’y a rien de plus barbant qu’un album aussi bêtement prétentieux que Tripper.