vendredi 8 février 2013

Hairy Bones / Snakelust




HAIRY BONES est un quartet de free jazz comprenant dans ses rangs Peter Brötzmann aux saxophones tenor et alto, à la clarinette basse et au tárogató hongrois, Toshinori Kondo à la trompette et aux effets électroniques, Massimo Pupillo à la basse électrique et Paal Nilssen-Love à la batterie. Le groupe doit (comme bien souvent dans ces cas là) son nom à son tout premier album publié en 2009 par Okka Disc. Depuis le quartet n’a publié en tout et pout tout qu’un CD live et autoproduit en 2010 : Snakelust – publié lui en 2012 par Cleanfeed records – est donc le deuxième véritable album « officiel » de Hairy Bones.
Rappelons encore une fois que ce quartet réunit les deux solistes de Die Like A Dog, l’un des meilleurs projets, si ce n’est le meilleur ex-æquo avec Last Exit, de Brötzmann post 60’s/70’s mais en lieu et place du fabuleux couple rythmique William Parker/Hamid Drake c’est celui de Offonoff – et de Trio Roma – qui est chargé d’emmener tout ce petit monde le plus loin possible. Snakelust a été enregistré en concert en aout 2011 lors d’un festival au Portugal et présente l’intégralité du set de Hairy Bones, soit un peu plus de cinquante minutes de freeture complètement furieuse.
L’une des grosses caractéristiques de Hairy Bones est de faire beaucoup de place à la fée électricité : malheureusement la basse bulldozer de Massimo Pupillo est ici un peu trop sous-mixée et on ne perçoit que trop peu l’incandescence noise/metal que celui-ci est pourtant censé apporter au groupe ; par contre Toshinori Kondo occupe bien les premières places et s’il n’use pas systématiquement d’ajouts électroniques sur sa trompette, il se fend de quelques interventions complètement délirantes (et un peu kitsch à une ou deux occasions). Même en trichant un peu avec ses pédales d’effets Kondo reste l’un des rares solistes à pouvoir vraiment tenir tête à Peter Brötzmann, d’autant plus que celui-ci était particulièrement en forme lors de ce concert et qu’il conserve malgré tout la barre et détermine la direction à prendre par Hairy Bones au milieu de cette belle tempête.
Snakelust n’est pourtant pas cette bête quasi incontrôlable de violence parce que débordant d’un surplus de freeture terroriste ; le disque nous réserve également quelques beaux passages, en général propices à un solo de chaque membre ou bien à un duo pointilliste (comme celui entre la trompette et la batterie, l’un des meilleurs moments du disque) et Snakelust – emprunt jusqu’à l’os de ce free jazz traditionnaliste que l’on pardonnera toujours tant qu’il restera le vecteur d’une incroyable liberté de ton – reste une expérience aussi forte que palpitante.

[le vrai titre du disque est Snakelust (to Kenji Nakagami) : Nakagami, romancier japonais mort en 1992, est malheureusement trop peu traduit en français ; Snakelust est le titre de l’une de ses nouvelles]