lundi 25 janvier 2010

Arrêter de boire ou chanter il faut choisir























Première étape d’une série de quatre concerts organisés par le Sonic, c’est le Festival d’Hiver, à vrai dire une idée assez saugrenue si on considère que d’ordinaire festival rime avec tongs et bobs Pastis 51, merguez-frites, bains de boue et nuits à la belle étoile (tout ce que j’aime). En ce mercredi soir on se contentera d’une vraie bonne caillante hivernale et d’une pluie qui vous transperce à vous glacer les sangs. Il va falloir se réchauffer, le dernier concert auquel j’ai pu assister remonte déjà à près d’un mois et demi, c’est bien beau d’écouter de la musique de vieux – Nadja ou Aidan Baker par exemple – tout seul dans sa chambre en regardant tomber la neige mais au bout d’un moment y’en a forcément marre, si ça continue je vais sentir le moisi moi aussi.
Cette première soirée est en fait une bienheureuse coproduction entre le Sonic et Bigoût records, label des Kiruna Boyz qui ont sacrément besoin de renflouer les caisses pour poursuivre leurs projets expansionnistes de domination du marché mondial du disque (le pressage d’une galette de vinyle ça coûte beaucoup plus cher que de payer une tournée générale de fin de soirée aux quelques attardés d’après concert). Heureusement le public s’est déplacé pour voir dans quel état ère David Yow, de retour parmi les morts depuis qu’il a chanté avec Qui et surtout depuis la reformation 2009 de Jesus Lizard – à titre de comparaison, le concert de Qui avec ce même David Yow avait réuni à peu près 250 personnes au Grrrnd Zero en décembre 2007 (et ce qui est amusant c’est que je ne me souvenais pas de tant d’enthousiasme de ma part). Pour assister à la paire Ventura/David Yow cent trente personnes ont en ce mercredi soir courageusement bravé le froid et les intempéries, je m’attendais pas à moins que ça…
















Otarie Club, joue en premier. On a beau m’expliquer que le bassiste est en fait le batteur d’un autre groupe que j’ai déjà vu en concert et que le guitariste joue aussi dans tel autre – à moins que ce ne soit l’inverse – je ne reconnais aucun de ces jeunes gens qui portent tous sans exception bonnet ou casquette. Derrière eux on distingue sans peine les frigos imposants et les têtes d’amplis Orange, on sait déjà à quoi s’en tenir question volume sonore.
Le bassiste lance sa première ligne et sans surprise ce n’est pas une ligne de basse mais un boulet de canon, lourd et écrasant, que l’on se prend en pleine face, amrep style. Cela devrait suffire à mon petit bonheur de préretraité de la noise 90’s mais trop d’application, un certain manque de confiance en soi, d’huile dans le moteur et de liant opportuniste m’empêchent de rentrer dans le concert d’Otarie Club qui au final peine à trouver son carré réservé et son originalité sur un terrain fortement miné par les codes en vigueur. Comme je me dis en même temps que le trio est sûrement encore tout frais émoulu et que tout ça n’est peut être qu’une question d’expérience et de temps je décide d’arrêter de faire mon chieur professionnel et je me focalise sur les quelques choses qui me plaisent chez Otarie Club (même si je n'en trouve pas beaucoup), en particulier ce dernier titre – encore une histoire de basse je pense…
Par contre, il y a une chose qui passe mal et comme d’habitude c’est le chant, monocorde, hurlé, sans relief ni imagination mise à part celle cuisinée à partir du gras de cordes vocales lubrifiées à la clope et à la bière. Merde quoi, je préfère très nettement les voix nasillardes de junkies défoncés à la colle.























Les fans et les curieux s’agglutinent devant la petite scène du Sonic : Ventura s’apprête à y jouer en compagnie de David Yow. On sait déjà que le bonhomme est malade comme un chien, qu’il est sous antibiotiques, qu’il n’a bu que difficilement et qu’une seule petit gorgée de la bouteille de JB comprise dans le catering, qu’il a cherché en vain dans les minuscules loges du Sonic le canapé confortable et accueillant qui lui aurait permis de faire une sieste réparatrice. C’est pour lui que l’on s’est déplacé ce soir et c’est quelque part injuste tant Ventura mérite mieux que ce pauvre statut de backing band pour monstre de foire rock’n’roll que l’on veut bien lui faire porter. Pa Capona, le premier album du groupe chez Get A Life! records, est un bon disque et je ne garde pas un souvenir trop mauvais d’un des précédents passages lyonnais de ces suisses. Mais, évidemment, personne ce soir ne semble réellement connaître Ventura. C’est bien dommage.
Je m’interroge tout de même. Le mélange de David Yow et de Ventura me paraît osé pour ne pas dire contre-nature. Les suisses sont loin de donner dans la fièvre et le rock’n’roll. Il n’est pas question non plus de jouer des vieux standards de Jesus Lizard – une fan de base se fera remballer avec un sourire narquois après avoir réclamé Money Trick – et la seule vieillerie de la soirée sera une obscure reprise de Big Black tirée d’une compilation Touch & Go que je n’ai jamais écoutée.
















J’aurais aimé avoir tort. Pas vraiment aidé par un public (lyonnais ?) ne réagissant pas beaucoup, Ventura et David Yow peinent à faire monter la sauce. On remarque pourtant que Ventura est plus énervé qu’auparavant mais ce n’est guère suffisant pour pallier au minimum syndical d’un Yow visiblement diminué. Pire, on s’aperçoit très bien que sans l’aide d’une bouteille ou d’un couvercle de poubelle celui-ci chante comme un pied, dommage parce que la musique de Ventura a un côté mélodique auquel le chanteur ne peut adhérer, faute de réelles capacités vocales. Enlever le showman (extraordinaire), il ne reste qu’une loque sans voix.
La bonne nouvelle par contre ce sont tous les nouveaux titres que Ventura a joués sans David Yow. Ils annoncent un nouvel album du groupe de très bonne qualité et celui-ci paraîtra tout comme le premier chez Get A Life! au printemps prochain. Deux titres ont également été enregistrés en compagnie de David Yow, dans l’optique de sortir un single. En attendant, le groupe a eu la bonne idée de les graver sur un joli CDr limité à cinquante exemplaires et qu’il vendait à son stand. Dessus se trouvent deux titres, Le Petit Chaperon Beige et surtout It’s Raining On One Of My islands (le dernier titre joué au concert et son seul moment réellement fort) qui font malheureusement penser et dire que l’on a raté quelque chose ce soir. C’était pourtant bien essayé.