jeudi 15 juillet 2010

Drunkdriver / self titled


La pire chose qui pouvait arriver à un groupe aussi prometteur que Drunkdriver c’est de se séparer avant même que ne sorte son deuxième album, annoncé comme une petite bombe et attendu avec ferveur. La pire chose qui pouvait arriver au pauvre mec (moi) qui pensait qu’il avait enfin trouvé un groupe à la hauteur de toute la cradeur et de toute la violence musicale dont il reste perpétuellement en recherche c’est d’apprendre que Drunkdriver se sépare. Pourquoi ? Pourquoi ? POURQUOI ? Une sombre affaire de mœurs datant de plus de dix années et dans laquelle le batteur est salement impliqué, des ragots, des justifications maladroites – un peu à la façon d’un soap politicien français – et la guitariste de Drunkdriver qui décide qu’elle ne peut plus jouer avec ce batteur. On la comprend et on la soutient aussi, même si cela ne nous regarde pas. Mais on espère que ce ne sera que passager… aux dernières nouvelles Kristy (la guitariste) et Jeremy (le batteur) se reparlent à nouveau et on sait également que Pygmy Shrews, l’autre – excellent – groupe dans lequel joue Jeremy, ne s’est lui pas séparé pour autant. Reste cet album sans titre dont la sortie était prévue et annoncée pour 2010 par Load records, le parfait label pour une telle musique de malades. Load s’est bien évidemment rétracté, ne souhaitant pas publier le disque d’un groupe qui n’existe plus, pensant qu’il n’en vendrait pas beaucoup* – on peut aussi penser que cette même histoire de viol adolescent a pu influencer les gens de Load.























L’âme humaine est persévérante, y compris et surtout si c’est pour œuvrer dans le mal, et deux Drunkdriver survivants** ont décidé de le sortir eux-mêmes cet album, en complète autoproduction, conscients qu’il en valait vraiment la peine et aussi pour ne pas ajouter à l’échec humain celui d’une immense perte d’énergie et de créativité. Non je ne plaisante pas. Pour obtenir directement cet album époustouflant, c’est par ici que cela se passe. Fin de la rubrique people/faits divers.
Maintenant, la meilleure chose qui pouvait arriver, c’est le niveau d’excellence de cet album. Un album qui restera ni plus ni moins au top de l’année 2010. Un album aussi sombre et enflammé que l’illustration de la pochette le suggère. Et bien plus encore : vous avez aimé le premier, Born Pregnant ? Celui-ci le surclasse aisément. Le seul regret c’est la quasi absence de titres vraiment lourds et visqueux qui parfois donnaient un côté presque industriel*** au noise punk de Drunkdriver. Un regret qui ne dure pas très longtemps tant le groupe a tenté – et réussi – la simplification et la montée en puissance, s’imaginant que c’était encore possible (et ça l’était !), flirtant constamment avec le point de rupture, installant le bordel comme seule règle à suivre, faisant éclater toute sa rage, jouant constamment dans la saturation, dégueulant sans vergogne, vous crachant à la gueule, vous piétinant, sans aucune considération ni aucune pitié. C’est à se demander si Drunkdriver n’aurait pas en fait crevé de ce trop-plein de colère et de violence, comme une impasse. Aveu ou manifeste qu’importe, le groupe – ou ce qu’il en reste – a eu raison de publier à ses frais ce disque méchant et vicieux. Un disque de tourments et de tortures, un disque qu’il est peut être malsain d’aimer mais qu’il est impossible d’ignorer. Il n’y a aucune culpabilité dans ce plaisir sans nom, total, anarchique et dont on ne saurait désormais se passer.

* tous les précédents enregistrements de Drunkdriver ayant été rapidement sold out, je pense que sur ce coup là Load records a eu complètement tort…
** certains messages postés sur le blog de Drunkdriver sont signés Kristy et Jeremy, ces deux là se sont donc bien rabibochés… mais où est donc passé Mike, le chanteur tatoué au t-shirt de Death In June ?
*** côté que l’on retrouve avec bonheur sur Quality Of My Life, le meilleur titre de cet album, et de loin