mardi 20 juillet 2010

Aidan Baker / Liminoid | Lifeform





















On ne peut pas reprocher à Aidan Baker d’essayer, de (se) chercher. Sauf si on considère que se gratouiller les neurones et la guitare à longueur de journées et de séances de home studio ne correspond à rien, que la musique ce n’est pas une couveuse de laboratoire, que ce qui compte c’est l’instant présent et l’expérience en temps réel, celle qu’on ne va pas reproduire de sitôt ou alors en pire. On peut alors reprocher à Aidan Baker d’en faire beaucoup trop, oui revenons encore une fois sur la prolixité du canadien, sur ses publications semi-mensuelles et sur ce que certains esprits chagrins jugent peut être à tort comme de l’auto-complaisance. Aidan Baker est ce type de musicien qui enregistre tout ce qu’il joue – et il joue tout le temps, un vrai cancer – et finit toujours par le faire publier d’une manière ou d’une autre alors qu’il ferait peut être bien de ne considérer ces bandes que comme un work in progress. Ça aussi c’est une maladie. Entre la recherche en laboratoire et l’éjaculation précoce journalière Aidan Baker ne choisit donc pas, conjuguant les deux, à nous de faire le tri.
Le tri est quand même largement à l’avantage du musicien : il a plus de disques intéressants (et parfois même très bons) que de disques mauvais, inutiles et rabâchés. Ce qui est inquiétant, c’est que ces derniers temps – aussi bien pour ses travaux en solo que pour ceux de Nadja –, la qualité tend à baisser, la proportion à dramatiquement s’inverser. Comme un essoufflement, Ce qui revient donc du coup à la question initiale : Aidan Baker en fait il trop ?
Lui doit honnêtement penser que ce n’est jamais assez : Liminoid | Lifeform est encore un nouvel enregistrement du canadien (pas si nouveau en fait puisqu’il date de janvier 2010), encore une fois publié par Alien8. Deux titres (comme le nom du disque l’indique) et surtout plein d’invités : sur Liminoid ce ne sont pas moins de sept musiciens qui viennent apporter leur soutien à Baker pour ce qui est l’une de ses compositions les plus ambitieuses : deux violoncellistes, une violoniste, deux batteurs et deux guitaristes, la plupart de ces intervenants extérieurs donnant également de la voix. Parmi les noms on reconnait celui de Jakob Thiesen qui a joué de la batterie sur l’album Desire In Uneasiness de Nadja, Richard Baker qui joue dans Arc avec son frère Aidan ou bien Nick Storring de Picastro. Les autres me sont de parfaits inconnus.
Liminoid se divise en quatre parties distinctes et a été enregistré lors d’une performance dans une galerie d’art de Toronto pour l’édition 2008 du X-Avant Festival. Ce qui est frappant c’est le côté très montréalais de cette composition, OUI je vais lâcher le nom de Silver Mount Zion et NON il ne faut pas tout de suite partir en courant et en hurlant parce qu’Efrim Menuck et sa voix de canard prophétique ne sont fort heureusement pas de la partie. Après une entrée en matière très mélancolique (à mi chemin entre Rachel’s et le Boxhead Ensemble) et une deuxième partie très post rockeuse/neo folk, la plage n° 3 de Liminoid accentue la ressemblance avec la bande de hippies made in Constellation records avec cette intervention chantée à plusieurs voix sur un vieux texte religieux copte. Malgré toutes les réticences que l’on peut éprouver face à ce genre de bondieuseries – que l’on peut sciemment ignorer en refusant de lire les notes du livret ou la présentation du label – et grâce à une voix lead dont le lyrisme flirte avec celui d’une Lisa Gerrard encore amoureuse de Brendan Perry, on évite fort heureusement l’opéra cosmique avant qu’intervienne à bon escient un déluge de percussions free. La quatrième partie est la moins bonne, péchant avec ce rythme binaire pour chien stupide et s’enfonçant du coup dans la banalité d’un abandon d’animal domestique sur une aire d’autoroute.
Lifeform a été enregistré avec beaucoup moins de participants que Liminoid (quatre au total) mais on note l’apparition d’Alan Bloor plus connu pour ses expérimentations gentiment bruyantes sous le nom de Knurl et pour son plus récent projet Pholde. Une touche de bordel métallique dans la musique intimiste d’Aidan Baker (il faut rajouter un violoniste et un violoncelliste pour avoir une idée complète du line-up jouant sur Lifeform) et peut être l’annonce d’une nouvelle piste de travail pour le canadien, entre musique de chambre et indus ambiant… A suivre (encore une fois).