Death To Pigs, le meilleur groupe de Nancy et de Lorraine (au moins jusqu’à Metz), revient avec un nouveau disque, La Horse, sous la forme d’un joli 10 pouces, le plus beau des formats. Laissons la parole au guitariste du groupe : le chanteur aimait bien les Gu Guai Xing Qiu alors on a fait un split LP avec eux, le batteur voulait un single alors on en a fait un, le bassiste préférait les albums donc on a sorti un LP et maintenant c’est mon tour, on sort un 25 centimètres (je cite de mémoire et à cette heure ci elle est forcément défaillante, pardon, j’ai sûrement interverti certains éléments). Et de rajouter : pour le prochain, je crois que j’ai trouvé une idée de format qui conviendra à tout le monde. C’est dur la vie de groupe, j’en conviens, surtout lorsqu’il faut contenter tout un chacun. Pire que la vie de famille.
A l’écoute de La Horse, joli format (donc) contenant sept titres de punk noise lizardien francs du collier et directs, on se dit que là tout le monde est content dans le groupe, que les éventuels grincheux se sont tus pour nous torcher les cinq perles de la première face, autant d’anti-hymnes à la gloire de la concision et de l’affûtage qui restent en mémoire avec un entrain jamais forcé et essentiel. Rien de fondamentalement nouveau c’est vrai par rapport à Carnal Carnival, précédent (et excellent) album du groupe que j’ai tendance à préférer, c’est juste encore plus direct, un petit retour vers les productions précédentes de Death To Pigs, avec encore moins d’enluminures, le cochon mais sans la couenne ni le gras, il a beau avoir le couteau sous la gorge il crie encore ce salaud, pour le boudin il faudra repasser. De La Benzina à SKB tout est à peu près parfait pour qui aime le pilonnage en règle (Chinese Behind Bars et surtout le frénétique Black Gestapo) tout comme les romances désabusées et sinistres pour cannibales amoureux mais affamés -Muslim Lady (You Drive Me Crazy).
On retourne la galette non sans admirer une fois de plus le visuel de la pochette évoquant une activité dominicale somme toute assez quelconque et sans danger pour tous et c’est le choc. Les deux titres de cette deuxième face ne sont pas loin d’enterrer tout ce que l’on vient d’entendre sur la première. Dès les premières notes de Eggman, ce sample en boucle et cette voix qui appelle, on sait que l’on tient un très bon titre : mid tempo cahotique, basse aux allures de camion poubelle en mode compression, riffs de guitare tortillés et voix de chien écrasé. C’est déjà fini (trop tôt ?) que déboule le deuxième et dernier titre de cette face -et de ce 10 pouces. Et là attention, il ne s’agit pas de n’importe quoi, Death To Pigs se payant le luxe de reprendre Burning Hell des Brainbombs (jamais entendu ce fameux 45 tours 4 titres live doté d’un son aussi dégueulasse qu’addictif ?), ce qui n’est même pas osé ou même irrévérencieux : il faut du cran pour s’attaquer à ce monument de répétitivité punk et poisseuse -un riff et demi, des paroles (Inside My Eyes/Inside My Head/Inside My Brain/It’s A Burning Hell) en forme d’invitation à la folie ou au suicide, un cauchemar nihiliste aussi percutant et malsain que les deux faces de Fun House réunies. Ils s’en sortent très bien, les petits gars de Death To Pigs, ce titre long et au riff infini va bien à leur teint pâlot de l’Est dégénéré, ils s’accommodent parfaitement d’un héritage que l’on aurait pu juger un peu trop lourd, ce qui n’était vraiment pas donné à tout le monde. Finalement je retire ce que j’ai dit, Nancy/Metz : un point partout et la balle au centre.
[ce disque est sorti grâce aux efforts conjoints de Down Boy records, 213 records et Bande Noire records et est toujours disponible auprès d’eux]