vendredi 13 février 2009

KTL / IV























 La véritable actualité de Stephen O’Malley c’est le nouvel album de KTL, le duo qu’il forme avec Peter Rehberg/Pita. IV est comme ses prédécesseurs disponible via les Editions Mego (le label de Rehberg), une version vinyl sera pressée plus tard par le label japonais Inoxia (Boris, Satanicpornocultshop…). A l’intérieur on note des illustrations signées Demian Johnson, oui celui de Playing Enemy et maintenant de Hemingway. La pochette toujours dessinée par O’Malley reprend le logo habituel de KTL sauf que l’on n’en voit qu’un détail agrandi et sur fond blanc. Le résultat est toujours aussi cryptique -signe cabalistique, magie noire, là je pencherais plus pour un gibet éminemment christique, supplice et ordalie. Ces idées ne me sont pas venues toutes seules : les trois premiers albums de KTL sont les bandes sons de spectacles de danse contemporaine chorégraphiés par Gisèle Vienne (dont Peter Rehberg est un collaborateur de longue date), en l’occurrence il s’agit de Kindertotenlieder (dont KTL est l’abréviation), spectacle présenté il y a plus d’un an aux Subsistances de Lyon et que j’avais apprécié malgré son côté explicite sur la dualité amour/mort, religion/sexe trop ouvertement tue moi avec ta grosse bite de métallurgiste satanique en rut.
Or il se trouve que IV est le premier disque du duo qui ne soit pas commissionné pour un spectacle -Gisèle Vienne a du passer à un autre sujet…- donc le premier disque sur lequel Peter Rehberg et Stephen O’Malley se sont clairement posé la question de faire autre chose. Mais le groupe a bien sûr gardé ce penchant pour la symbolique occulte et la noirceur aux traits un peu forcés. IV est de loin le disque le plus dynamique et le plus foisonnant de KTL. Le fait qu’il ait été enregistré avec Jim O’Rourke à la production est un renseignement juste bon à intéresser les exégètes.
Maraug
est un court titre introductif avec une guitare pas très éloignée du riffage black metal tandis que derrière les basses bourdonnent et que Rehberg constelle ce cauchemar de perturbations électroniques qui font l’effet de vrilles cérébrales, transpercé et même pas mort. Paratrooper est la pièce maîtresse de IV, un titre sur lequel Atsuo le batteur de Boris a été invité à poser des rythmes. Tandis qu’O’Malley égraine un riff suintant comme il en a le secret (avec ce son qu’il a, celui qui a fait les beaux jours de Khanate, si caractéristique et que j’adore), Atsuo martèle un battement répétitif, obsédant jusqu’à en devenir inquiétant. Peter Rehberg assure tout le background, notamment ces basses qui accompagnent le battement d’Atsuo et le résultat est une véritable boucherie. On est pris physiquement par cette musique étrangère à toutes formes de délivrance, on pense forcément aux Swans de l’époque Cop/Young God (la meilleure) et à leur obsession de l’aliénation et de la douleur.
Le reste du disque s’écoute comme dans un rêve -un rêve sans sommeil dont on voudrait absolument sortir- avec tout d’abord Wicked Way et ses strates de guitare sur fond de confusion rythmique. Benbbet suit avec sa lente plongée en apnée dans des abîmes souterrains, les rythmes qui s’intensifient sournoisement allant jusqu’à flirter avec Pan Sonic tandis que la guitare se met en mode lamentation avant l’extinction finale -Benbbet est la deuxième pièce maîtresse du disque. Eternal Winter joue plus sur le côté feux follets électroniques mais Peter Rehberg est vite rattrapé par ses (bonnes) habitudes en lâchant des fréquences qui passent douloureusement du cri de grillons aux grésillements stridents. Dernier titre, Natural Trouble voit le retour d’Atsuo, cette fois ci au gong, pour une dernière pièce faussement atmosphérique (c'est-à-dire pas du tout aérienne) avec des sons ascensionnels qui s’écrasent dans le vide. IV est sans problème le disque de ce début d’année.