jeudi 12 février 2009

Sunn / Dømkirke


Les petits gars de Sunn et leur label Southern Lord aiment les beaux objets. Celui-ci en est assurément un. Dømkirke -cathédrale en norvégien, bande de béotiens- est un double LP enregistré en concert et présenté dans une pochette au carton tellement épais qu’il serait inutile de compter dessus pour en faire des filtres pour son spliff du soir, pour cela se servir uniquement des pochettes intérieures d’une qualité supérieure elles aussi mais quelque peu plus fines. J’imagine que pour chaque exemplaire de Dømkirke de pressé il y a eu un arbre en moins dans la forêt norvégienne si chère au cœur de Nocturno Culto. Avec un flou artistique que n’aurait pas renié Joseph Mallord William Turner, l’artwork du recto évoque trois silhouettes perdues dans une tempête de neige ou un brouillard épais. L’intérieur montre le groupe en pleine action et le verso est une photo de Stephen O’Malley et de Greg Anderson entourant le fantôme de The Ring (peut être bien qu’il s’agit d’Attila Csihar déguisé en Père Noël). Les pochettes intérieures montrent elles toujours plus de photos de Sunn en concert, musiciens figés devant les vitraux imposants de la cathédrale de Bergen, devant l’orgue monumental ou sous la haute nef, ils ont tout compris au sens du mot liturgie. Le seul bémol -mais il est de taille- c’est la couleur des vinyles en eux-mêmes, une sorte de bleu cuvette en plastique avec l’effet marbrures bien connu des geeks, c’est un peu le ciel de tes vacances au bord de la mer à Pallavas. Les ronds centraux sont eux des photos du public -que des mecs pas beaux et bourrés. 


















Dømkirke est un live imposant, enregistré dans des conditions particulières -un lieu de culte grandiose- or dès les premières écoutes on sent comme une tentation blasphématoire de pacotille, genre allez les gars on va aller faire une pseudo messe noir sur l’autel de la cathédrale de Bergen histoire de rigoler un peu mais surtout ne sortez pas les zippos, on est pas à Fantoft ou à Sarpsborg ici -du moins c’est ce que je crois, c’est ce que l’on appelle un procès d’intention et c’est exactement ce que je suis en train de faire. Il y a de toutes façons un côté sacralisé dans la musique de Sunn, celui-ci est immédiatement qualifié de chiant par les opposants au groupe, côté qui transparaît particulièrement sur le premier disque, la face A avec un Attila Csihar totalement lyrique accompagné à l’orgue par Steve Moore (Why Dost Thou Hide Thyself In Clouds) et la face B -Cannon- avec une improvisation au trombone (encore Steve Moore ?) inaugural avant que les guitares ne se mettent à décliner l’un des riffs les plus célèbres de Sunn. Cela se gâte sur le deuxième disque, plus exactement cela se gâte pour la santé de nos oreilles, avec Cymatics sur lequel Lasse Marhaug (de Jazkamzer, Nash Control, Powerhouse Sound, etc) semble enfin intervenir, un titre qui développe un long passage magmatique davantage proche du chaos primitif que du drone, un peu comme si Masami Akita s’invitait chez Sunn pour une orgie nihiliste, tandis que Attila Csihar en rajoute dans le registre des vocalises maléfiques. Du coup on la tient enfin notre messe noire. Masks The Aetmospheres arrive en clôture de Dømkirke et est un titre plus classiquement Sunn avec ces étirements de larsens et de basses fréquences, les chuchotements d’Attila (bien que l’herbe est censée ne pas repousser sous ses pieds je me demande quand même ce qu’il fume), le retour de l’orgue majestueux (et pénible). Une fin décevante à vrai dire, légèrement opportuniste parce que trop attendue et déjà entendue.
[C’est en rangeant le deuxième disque dans sa pochette que je m’aperçois un peu tard que sur la fin de la face B il y a ces mots de gravés : Fantoft, Fantoft, don’t you wanna… C’est vrai ça, qu’est ce que tu veux ? Pas grand-chose de courageux en tous les cas, il est beaucoup plus facile de s’approprier ces évènements aussi ridicules que malsains que de passer à l'acte soi-même. Pauvres métallurgistes de cabaret -l’option Satan m’habite même dans le noir est incluse- et c’est tant pis pour eux.]