lundi 26 décembre 2011

Aids Wolf / Ma Vie Banale Avant-garde




On s’était plus ou moins réconciliés avec Aids Wolf. Ce n’est pas que l’on était réellement fâchés mais les deux précédents disques du groupe, les EP Dustin' Off The Sphynx et surtout March To The Sea, avaient à la fois l’avantage certain d’une durée assez courte et celui d’un niveau pas trop trop dégueulasse, pour un groupe de suiveurs pétomanes, question pompage d’Arab On Radar. Jusqu’ici Aids Wolf remplissait tant bien que mal le trou béant laissé par les maîtres de Providence – sauf que, maintenant, il va falloir composer avec Doomsday Student, le nouveau super-groupe des anciens Arab On Radar… Le EP, le single, le truc qui dure moins de sept minutes chrono par face c’est donc ce qui convenait le mieux à Aids Wolf et le groupe ne prenait ainsi pas le risque de perdre son peu de spontanéité et ne risquait pas non plus de trop ennuyer ou agacer l’auditeur (quoique…). Jamais on ne vous conseillera ici d’écouter les vieux albums d’Aids Wolf, à moins de vraiment vouloir faire chier votre entourage ou de les saucissonner – les disques, pas les personnes de votre entourage – avec une machine à mp3 et de n’en garder que la substantifique moelle, c'est-à-dire jamais beaucoup plus de deux ou trois titres par galette.
C’est donc avec un effarement certain que l’on a appris qu’Aids Wolf publiait en octobre 2011 un double LP sur le label Lovepump United. Non mais quelle idée… Ma Vie Banale Avant-garde est un vrai double album, c'est-à-dire qu’il dure largement plus d’une heure. Ce disque est-il donc le cauchemar et l’horreur annoncée ? Oui, pas loin. Mais pas tout à fait. Et d’abord, il convient de faire un rectificatif : on a dans de précédentes chroniques à propos d’Aids Wolf beaucoup fait référence à Melt Banana et on se demande aujourd’hui un peu pourquoi – parce que c’est aussi une fille qui y chante façon furie ? Il est évident que plus Aids Wolf enchaine les disques et plus ceux-ci sont chaotiques, bordéliques et de moins en moins axés sur ne serait-ce qu’un semblant de mélodie (même hystérique) ou de construction – exit donc la référence au groupe de Yasuko Onuki et Agata. Question amour de la musique, Aids Wolf aurait pu faire illusion dans le passé mais ce qui intéresse plus que jamais le désormais trio* c’est l’explosion finale, le grand soir du n’importe quoi et le chaos no wave/noise le plus complet. On devrait être contents ? D’une certaine façon, et paradoxalement, oui. Dans un mauvais jour comme celui-ci (ou comme celui-là : les mauvais jours, ce n’est pas ce qui manque en ce moment, alors fais ton choix camarade), la mixture d’Aids Wolf est un formidable évacuateur de merde.
Que cela ne dure pas, on peut s’en douter, et c’est pour cela que les quatre faces de Ma Vie Banale Avant-garde finissent en supplice. Aids Wolf marque le pas, s’enlise et a choisi pour son nouveau disque d’alterner titres à peu près lisibles et bouillasses expérimentales que l’on imagine très largement improvisées. Une construction très binaire de Ma Vie Banale Avant-garde qui ne fait qu’en accentuer les ficelles comme les faiblesses. Et pourtant… ce ne sont pas forcément les titres les plus évidents que l’on préfère ici, les « impros » à bordel tirant souvent leur épingle du jeu. Contradiction ? Ambivalence ? Oui tout à fait. Avec Ma Vie Banale Avant-garde Aids Wolf a en quelque sorte réussi un drôle de petit exploit : le disque rebute, sa longueur et ses facilités agacent mais on y revient, pas tous les jours ni très souvent, mais on y revient. On ne parlera pas non plus de fascination mais d’une certaine addiction. Aids Wolf est un groupe que l’on peut finir par aimer et, surtout, c’est un groupe dont on découvre qu’on aime le détester… Ma Vie Banale Avant-garde se referme comme un piège, éreintant, et on l’accepte. Jusqu’à la prochaine fois.

* on confirme que Aids Wolf ne sont plus que trois : le groupe a perdu un guitariste, celui qui reste joue avec un double système d’amplis