samedi 9 mai 2009

La quatrième dimension avec Grey Daturas























Encore un concert de losers. Pendant que la moitié de la planète regarde le foot à la tv et que l’autre moitié s’est précipitée au concert des insupportables Black Dice pour se secouer le cocotier et se déhancher l’égo, bien peu seront ceux qui auront osé se rendre jusqu’au Sonic pour le concert pourtant très attendu de Grey Daturas, groupe australien (Melbourne) auteur d’une poignée d’albums -dont le petit dernier Return To Disruption chez Neurot records- et d’une kyrielle de splits, de maxis, de singles… comme ce European Tour 7’ chez Heathen Skulls, enregistré et pressé spécialement pour l’occasion de cette tournée sur le vieux continent et dont nous ne manquerons pas de reparler à la première occasion.
Celles et ceux qui se sont déplacés auront toutefois eu raison : la musique des Grey Daturas est imprévisible bien que toujours très lourde, mouvante, floue parfois et elle peut prendre des directions plus inattendue car délétères, vaguement atmosphériques (se rapprochant alors d’une certaine école néo-zélandaise allant de Thela à The Dead C) ou au contraire érigeant des murs du son bouillonnants et paroxystiques. C’est peu dire que questions sensations j’attendais beaucoup de ce concert mais qu’en même temps je n’en attendais rien de très précis, ne sachant pas à quelle sauce Grey Daturas allait nous manger.


















C’est Carne qui assure le début de la soirée et c’est seulement le troisième concert de ce jeune duo composé d’un ancien Llorah (à la guitare et à la voix) et d’un batteur. Au programme sludge/hard core/metal qui essaie d’être bien carré et bien droit dans ses bottes. Je dois dire que ces deux là ont du sacrément bosser depuis la dernière fois où ils ont joué, qu’ils se sont limés les doigts sur les cordes de guitares, qu’ils se sont défoncés la voix et tordu les bras à force de répéter. Tout est bien plus en place, dynamique, on sent qu’il y a un fil conducteur dans les compositions.
Ma préférée c’est celle qui commence par une intro assez lente et calme et dont le corps est constitué d’un bon gros riff black metal. Ce fut d’ailleurs le tournant de ce concert qui s’est achevé sur une dernière salve rappelant très fortement le sens de la démesure et du rouleau compresseur de Black Cobra. Encore quelques centaines d’heures de répétitions dans la cave pour étoffer et huiler le répertoire, quelques dizaines de litres d’eau de javel et/ou de whisky pour gargariser les cordes vocales et aguerrir le chant et l’affaire est dans le sac. Autrement, je ne cache pas que Carne devrait trouver une solution pour élargir son son (je veux dire une solution autre que celle consistant à bloquer les amplis Orange sur 11) par exemple en envisageant une deuxième guitare ou en ayant recours au subterfuge de l’électronique, cela donnerait je crois plus de corps à la musique du groupe.


















Sur la scène est installé tout le matériel de Grey Daturas et il y a quelque chose qui cloche : une batterie, deux guitares et une basse. Si je sais encore compter cela nous fait un total de quatre instruments or il me semblait que jusqu’ici Grey Daturas était un trio. C’est effectivement trois personnes qui montent sur scène (deux garçons et une fille). Chacun empoigne sa guitare et se met à tripoter les cordes, les boutons et les pédales d’effet et -d’abord tout doucement- le son commence à monter, incertain, fluctuant jusqu’à former un agglomérat de notes soutenues et de sons saturés -en langage moderne : un drone- de plus en plus violent et fort. Le bassiste se décide alors à lâcher son instrument et s’installe derrière la batterie.
Il a un peu de mal à se faire une place dans le mix tellement les deux autres jouent fort et épais, la guitariste est vraiment impressionnante et manie sa fuzz avec un applomb et un à-propos totalement réjouissants. Grey Daturas sur scène joue un rock lent et lourd, ultra saturé, répétitif à l’envie avec des phases de décollages de tympans qui flirtent dangereusement avec le bruitiste. Le batteur s’arrête de jouer et reprend sa basse. C’est le second guitariste qui s’installe alors derrière les fûts. 























Ce deuxième batteur est bien meilleur que le premier, son jeu est plus appuyé et dynamique tout en sachant se faire plus déconstruit, il n’hésite pas à marquer de drôles de mesures tout comme il sait exploser un rythme. Grey Daturas en profite donc pour prendre son envol, bassiste et guitariste s’en donnent à cœur joie, se vautrant dans un psychédélisme hyper noise et très heavy, un peu comme si Mugstar ou Psychic Paramount avaient considérablement ralenti le tempo, alourdi les sons. Du doom de drogués. Du stoner sans la prétention désertique de merde, de l’incandescence démultipliée, mais pas de cette hippicerie chichiteuse de néo babas tatoués. Et qui plus est c’est complètement improvisé mais toujours d’une redoutable cohérence.
Le mur du son fluctue, on n’est pas loin du trip total et de l’auto inflammation intérieure ou de la quatrième dimension sous champignons. Le deuxième batteur revient sur le devant de la scène, reprend sa guitare et les trois Grey Daturas se lancent dans un dernier (et court) passage drone/bruitiste qui fait redescendre tout le monde en douceur, comme sur un nuage. Je suis tellement abasourdi que je ne songe même pas à insister pour demander du rab. Ce concert s’achève sur cette impression de plénitude, la satisfaction d’être absolument comblé. Concert numéro un depuis le début de cette année.