mardi 24 juillet 2007

SoCRaTeS

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Quand j’étais gamin je me demandais toujours pourquoi certains groupes mentionnaient sur la pochette de leurs disques support your local scene : je ne sortais pas de chez moi, je ne savais même pas qu’un groupe répétait dans la cave de la maison d’en face et d’ailleurs je ne comprenais pas comment on pouvait physiquement faire de la musique -c’est en disséquant l’album Killers d’Iron Maiden que j’ai compris ce qu’était une basse, une guitare rythmique, une guitare lead, un break, un pont, etc. J’ai donc perdu mon pucelage musical en 1981 (pendant que mes parents buvaient du champagne à la gloire du mitterrandisme, cela me semblait un peu étrange) et je soupçonnais pour la première fois que la musique était pour certains une affaire de technique, j’ai rapidement appris que cela pouvait fort heureusement être également son absence. Ou plutôt j’ai compris que la magie était ailleurs, dans la façon dont ce chanteur ou ce guitariste bougeaient, que l’attitude et l’allure pouvaient être aussi importantes sinon plus que la technique. J’ai surtout compris que l’essentiel était comment la magie me faisait bouger moi, comment elle m’excitait, me faisait perdre mon souffle, me rendait fou ou stupide. Alors je suis sorti de chez moi, je me suis habillé de la façon dont je voulais que l’on me perçoive, j’ai appliqué à la lettre quelques recettes expliquées en long et en large dans les paroles des chansons que j’aimais le plus -avec parfois des erreurs de traduction et quelques excès impossibles à maîtriser par la suite- et j’ai écouté de plus en plus de musique, celle qui venait de loin comme celle venant de l’autre côté de la rue.

















Les lyonnais de SoCRaTeS peuvent à juste titre s’enorgueillir d’avoir publié le plus beau disque de l’année 2007 : un magnifique vinyle transparent gravé que sur une seule face. L’autre côté a été amoureusement sérigraphié à la main et donc l’illustration se voit même lorsque le disque est posé sur la platine -la version CD est pas mal non plus mais question fétichisme de l’objet le choix a très vite été fait. Le label Modern City records qui a permis cette petite fantaisie a vraiment fait du bon boulot.
A l’origine SoCRaTeS était un duo guitare/batterie + chant défouraillant un noise rock véloce et bordélique, esprit de Skin Graft quand tu nous tiens par les couilles, mais maintenant ils sont trois : une chanteuse fait désormais partie du lot et elle se prend (au choix) pour Lydia Lunch période Teenage Jesus ou de manière plus certaine pour Nina Childress de Lucrate Milk, autant dire que si elle hurle si bien ce n’est pas parce qu’elle se fait marcher sur les pieds. Derrière la guitare et la batterie provoquent le démon new-yorkais, SoCRaTeS turbine la no-wave et le cataclysme aussi bien que feu Pink And Brown et mon titre préféré est le quatrième, In Bed… In Bed qui commence comme un missile, poursuit par un passage où la voix dévore un écho bien senti puis arrive une magnifique partie de guitare et le final frise un temps le disco mutant robotisé moulinex, ouch quel batteur, c’est le titre le plus long de ce disque qui en compte sept et qui s’écoute plusieurs fois de suite sans hésitation tellement il est malheureusement trop court.