dimanche 15 juillet 2007

Bain de jouvence

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Les Sonic Youth devraient ils changer de nom ? Quelle question : lorsque leur premier (et assez moyen) mini LP a été publié en 1982 sur Neutral records, Lee Ranaldo était âgé de 26 ans, Kim Gordon en avait 29, le plus jeune était Thurston Moore avec 24 printemps (je ne compte pas Richard Edson qui après s’en est allé faire du cinéma, pour voir sa bouille il suffit de regarder Stranger Than Paradise de Jim Jarmusch) et à cette époque New-York, Washington DC et toute la côté est des Etats-Unis voyaient proliférer des groupes emmenés pas des gamins d’à peine 18 ans -Ian MacKaye de Minor Threat en avait 19- qui revendiquaient la violence musicale ainsi qu’une certaine conscience politique, c’était le hard core. Fascinés par une telle effervescence (surtout Thurston Moore) et initiant ce qui allait devenir leur légendaire distanciation de poseurs, une leçon apprise du Velvet Underground et d’Andy Warhol, nos quatre new-yorkais s’autoproclamèrent jeunes et bruyants pour la vie.
Six années plus tard, en 1988, paraissait Daydream Nation et les Sonic Youth -désormais accompagnés du jeunot Steve Shelley à la batterie- se revendiquaient toujours de leur éternelle jeunesse et publiaient là leur album le plus vert à ce jour, une véritable volée d’éclats, un double LP avec cette pochette fascinante d’après une peinture de Gerhard Richter.






















Ce disque vient d’être réédité en version double CD (ou quatre LPs) et ce texte s’adresse à tous les imbéciles heureux (comme moi) qui ont cassé leur tirelire pour acheter cette nouvelle version. Il s’agit du troisième album de Sonic Youth (et a priori c’est le dernier de la liste) à se voir infliger le traitement deluxe -un remastering (?) du LP original et l’adjonction d’un deuxième disque d’inédits ou de raretés- et c’est de très loin celui pour lequel cela est entièrement justifié. La première raison est qu’il ne faudrait jamais cesser d’écouter Daydream Nation, qu’importe la version -tout le monde connaît cette histoire de Lester Bangs invité chez des gens et vérifiant toujours l’état d’usure de leur exemplaire de White Light/White Heat : dans quel état est votre exemplaire de Daydream Nation ?
La deuxième raison est que les bonus sont biens, essentiellement du live, quasiment tout l’album en version concert avec un son de qualité et des interprétations qui défrisent largement plus que la moyenne et remplaceront aisément tous les bootlegs entassés depuis vingt ans. Il y a également quelques enregistrements studios comme la reprise de Touch Me I’M Sick de Mudhoney (initialement sur un split du single club de Sub Pop), une reprise de Captain Beefheart (extrait d’un album tribute), une autre de Neil Young (idem) et enfin une dernière reprise de Within You Without You. Là, cela sent la perplexité : je connaissais tous les titres repris ici mais celui-ci ? Jamais entendu parlé jusqu’à ce que son écoute me rappelle au bon souvenir de cette chanson des Beatles sur l’album Sergent Pepper’s, une chanson écrite et interprété par Georges Harrison et que d’ailleurs je n’aime pas beaucoup, avec son sitar dégoulinant et son psychédélisme de baba tantrique. Mais une chanson qui va terriblement bien à Sonic Youth -Lee Ranaldo, c’est bien connu, sait très bien faire la voix qui traînouille et les guitares dissonantes remplacent parfaitement le sitar, ouf.
J’ai reçu un mail, publicitaire, me ventant les mérites de Daydream Nation : élu par Rolling Stone Magazine parmi les 500 meilleurs albums de tous les temps, référencé par la bibliothèque du congrès américain pour son intérêt culturel et esthétique, présent pendant plus de dix années dans la play list officielle de Radio Canut, hymne officiel des fêtes patronales du plateau de la Crois Rousse mais je me fous bien de tout ça. Je me fous tout autant de la petite tournée entreprise par Sonic Youth pour jouer dans l’ordre et en intégralité cet album. Tout ça parce que ce disque ne m’a jamais quitté et ne me quittera sans doute jamais.