Braver le froid, le vent, la nuit, bref braver
l’hiver et la flemme pour atterrir au Toï Toï, un endroit un peu paumé dans Villeurbanne et où je n’ai encore jamais
mis les pieds alors qu’il n’est pourtant pas très éloigné des beaux quartiers fréquentables
et du QG de 666rpm. Bonnes surprises : il y a des emplacements réservés
pour garer les vélos et la terrasse devant le Toï Toï doit vraiment être
agréable lorsqu’il ne fait pas -10°.
Mais pour le moment, ce n’est juste pas possible de
rester dehors pour siroter une triple vodka et je me dépêche d’entrer dans un lieu
que j’imagine en temps normal infesté d’étudiants – le campus de La Doua est
juste à côté – mais là c’est les vacances. Ça ne se précipite pas au portillon
et j’ai le temps en regardant l’affichage du lieu de constater qu’ici on fait
également restaurant, des soirées, des ateliers de théâtre ou de danse et,
donc, des concerts.
Oui, des concerts : c’est pour revoir une
énième fois les Lunatic Toys que je suis venu au Toï Toï. Encore une belle
preuve d’amour. La première partie s’appelle LES COMPTES DE KORSAKOFF, un trio composé d’un bassiste/chanteur/compositeur en
chef, d’un batteur et d’une violoncelliste. Il n’y a strictement aucune
méchanceté dans cette appréciation mais ce concert des Comptes De Korsakoff m’a
aidé à comprendre pourquoi Karl – Life In Little Bits, le
deuxième album du groupe qui vient juste de paraître, n’a jamais été chroniqué
ici alors que le service Chroniques & Etrillage de 666rpm en a pourtant
reçu un exemplaire tout beau tout neuf il y a déjà de nombreuses semaines.
Pour faire simple, disons que la musique
barrée/alambiqué/tourmentée/etc mais jouée avec trop de sérieux et
d’application, je trouve que c’est ennuyeux ; les intentions des Comptes
De Kordakoff sont trop visibles, trop facilement identifiables et toute cette
visibilité tuerait n’importe quelle bonne idée. Des bonnes idées il y en a
pourtant chez le trio – notamment au niveau mélodique, il faut dire que je ne
saurais jamais résister à un violoncelle – mais il y en a aussi des mauvaises
comme ces abus généralisés de basse (à cinq cordes) slapée beaucoup trop
souvent à mon goût.
Je vois bien où le groupe veut en venir, jouer un
rock expérimental/barré, un peu prog sur les bords et avec une exposition mi dadaïste
mi dark/tourmentée un peu outrée/théâtralisée mais cela ne fonctionne pas
réellement.
Contrairement aux Comptes De Korsakoff qui
jouaient repiqués sur la sono du Toï Toï, les LUNATIC TOYS opèrent sans garde-fous : la claviériste joue directement sur ses amplis,
le batteur – qui bidouille parfois avec une beat-box et d’autres choses
parfaitement inidentifiées
– fait de même mais la batterie n’est pas sonorisée, pas plus que le saxophone
alto. Le son est pourtant magiquement équilibré, on sent que ces trois là
connaissent le genre de configuration et de positionnement qu’ils doivent
adopter sur scène pour obtenir leur son à eux, un son unique qui plus est.
A quoi reconnait-on un groupe qui remporte tous
les suffrages ? Et bien, avant le concert, j’entendais des conversations
entre des personnes du public et s’interrogeant sur l’origine géographique et
le style de musique pratiquée par les Lunatic Toys. Pour le genre musical de ces
lyonnais, je ne sais pas ou plutôt je ne sais en fait plus vraiment, mais je
sais que tout le monde est resté assister au concert du groupe, scotché par
tant d’inventivité et de fantaisie ludiques mais jamais maniérées, scié par
tant de hargne et de puissance intelligentes, séduit par cet à-propos mélodique
et ce son si caractéristiques.
Et même lorsque les Lunatic Toys ont opéré
quelques incursions dans les recoins les plus sombres de leur répertoire, c’est
tout simplement une autre forme d’instinct magnétique qui nous attirait vers
eux. Aimez-les, écoutez leur musique et – toutes proportions gardées parce que
ce n’est que mon avis mais je le partage – ce n’est pas pour rien si Briciola, le deuxième album du
groupe, a atterri à la fin de l’année dernière dans le dernier carré du Top Of The Dope 2012 de 666rpm.
[quelques photos
du concert]