HAIRY BONES est un quartet de free jazz comprenant dans
ses rangs Peter Brötzmann aux
saxophones tenor et alto, à la clarinette basse et au tárogató
hongrois, Toshinori Kondo à la trompette et aux effets électroniques, Massimo
Pupillo à la basse électrique et Paal Nilssen-Love à la batterie. Le groupe
doit (comme bien souvent dans ces cas là) son nom à son tout premier album publié en 2009 par Okka Disc. Depuis le quartet n’a
publié en tout et pout tout qu’un CD live et autoproduit en 2010 : Snakelust – publié lui en 2012 par Cleanfeed records – est donc le
deuxième véritable album « officiel » de Hairy Bones.
Rappelons encore une fois que ce quartet
réunit les deux solistes de Die Like A Dog, l’un des meilleurs projets, si ce
n’est le meilleur ex-æquo avec Last Exit, de Brötzmann post 60’s/70’s mais en
lieu et place du fabuleux couple rythmique William Parker/Hamid Drake c’est
celui de Offonoff – et de Trio Roma – qui est chargé d’emmener
tout ce petit monde le plus loin possible. Snakelust
a été enregistré en concert en aout 2011 lors d’un festival au Portugal et
présente l’intégralité du set de Hairy Bones, soit un peu plus de cinquante
minutes de freeture complètement furieuse.
L’une des grosses caractéristiques de Hairy Bones
est de faire beaucoup de place à la fée électricité : malheureusement la
basse bulldozer de Massimo Pupillo est ici un peu trop sous-mixée et on ne
perçoit que trop peu l’incandescence noise/metal que celui-ci est pourtant
censé apporter au groupe ; par contre Toshinori Kondo occupe bien les
premières places et s’il n’use pas systématiquement d’ajouts électroniques sur
sa trompette, il se fend de quelques interventions complètement délirantes (et
un peu kitsch à une ou deux occasions). Même en trichant un peu avec ses
pédales d’effets Kondo reste l’un des rares solistes à pouvoir vraiment tenir
tête à Peter Brötzmann, d’autant plus que celui-ci était particulièrement en
forme lors de ce concert et qu’il conserve malgré tout la barre et détermine la
direction à prendre par Hairy Bones au milieu de cette belle tempête.
Snakelust
n’est pourtant pas cette bête quasi incontrôlable de violence parce que
débordant d’un surplus de freeture terroriste ; le disque nous réserve également
quelques beaux passages, en général propices à un solo de chaque membre ou bien
à un duo pointilliste (comme celui entre la trompette et la batterie, l’un des
meilleurs moments du disque) et Snakelust
– emprunt jusqu’à l’os de ce free jazz traditionnaliste que l’on pardonnera
toujours tant qu’il restera le vecteur d’une incroyable liberté de ton – reste
une expérience aussi forte que palpitante.
[le vrai titre du disque est Snakelust (to Kenji Nakagami) :
Nakagami, romancier japonais mort en 1992, est malheureusement trop peu traduit
en français ; Snakelust est le
titre de l’une de ses nouvelles]