Le lendemain de la release party d’Agathe Max je me traine jusqu’à la Triperie, en plein milieu des
pentes de la Croix-Rousse, pour assister au concert semestriel de Berline 0.33.
C’est beau la fidélité. Et tant pis pour le concert de Hoax/Veuve SS à Grrrnd
Zero qui me faisait bien envie également. Avoir le choix est un luxe qu’il ne
faut absolument pas regretter même si des fois choisir est déchirant :
dans le même genre d’idée, le 15 mars prochain, le petit noiseux moyen pourra
soit assister à un concert de Staer et Neige Morte (toujours à Grrrnd Zero)
soit assister à celui de Pord, Poutre et Grand Plateau (également à la
Triperie). Quand on vous dit que la vie est dure…
… Mais pour être honnête le nom qui m’attire le
plus sur l’affiche de ce samedi soir et qui donc me fait rater le concert au
Grrrnd est celui de Drive With A Dead Girl, groupe consanguin avec Berline 0.33
et surtout groupe mystérieux à plus d’un titre. Mais on ne va pas brûler les
étapes et vous dire tout de suite et maintenant toute la vérité sur Drive With
A Dead Girl.
Pour commencer il faut se taper la première partie du jour, FORZA PSCHITT, un duo dont le nom ridicule cache en réalité l’association d’un guitariste et d’un batteur de Torticoli (encore un de ces noms…). Certains craignaient d’assister à un concert de Torticoli minus one mais il n’en est rien : le seul point commun que l’on peut trouver entre Forza Pschitt et son désormais illustre ascendant c’est cette façon d’occuper tout l’espace sonore, de ne laisser aucune chance au silence et de pratiquer le gros bouillon permanent.
Mais alors que Torticoli a un côté crade et
granuleux, Forza Pschitt donne dans le ripoliné et le sophistiqué, le racé et
la sveltesse, le math-rock (dira-t-on) et l’étalage mélodique. Vous ne voyez
pas la différence ? Laissez-moi vous l’expliquer encore une fois :
Torticoli bourrine et se vautre dans la boue et les vapeurs d’alcool alors que
Forza Pschitt pédale sec à contre-courant et la tête en bas pour mieux regarder
les étoiles scintiller dans le ciel – les mélodies sont quand même (un peu)
beaucoup tordues.
Forza Pschitt c’est donc à la fois une bonne surprise et une bonne nouvelle, un nouveau groupe bien crousti-fondant à se mettre sous la dent. A suivre, donc…
Les BERLINE 0.33 jouent en deuxième position et on est légèrement inquiets : la moitié du groupe carbure aux anti-inflammatoires et autres antalgiques parce que le bassiste souffre d’un lumbago et que le batteur s’est pété un genou en voulant jouer au héro sportif. Berline 0.33 sans sa section rythmique de feu qui assure, est-ce que vous y croyez, vous ? Et bien oui, il fallait y croire.
Interprétant les mêmes bonnes vieilles
compositions et les mêmes quelques nouveaux morceaux que d’habitude – ben oui
c’est ça de rejouer trop souvent au même endroit – Berline 0.33 est une sorte
de machine post punk/noise intraitable et über efficace menée par une goule en
furie au chant et un guitariste en t-shirt léopard albinos dont la
discrétion apparente ne met que trop bien en valeur son jeu cisaillé et
chirurgical.
Quant au couple d’estropiés basse/batterie et bien
on n’a pas vraiment vu la différence… Berline 0.33 est vraiment un groupe
taillé pour les concerts, donc rendez-vous pour dans environ six mois, au même
endroit si vous voulez, pour la même chose (et le même chargement de bières
artisanales, ça serait bien aussi).
Il fait bien chaud dans la Triperie et DRIVE WITH A DEAD GIRL s’installe enfin. Les trois garçons sont sur la scène ; la chanteuse est sur le côté et leur fait face, elle tourne presque complètement le dos au public. A l’image de ses disques, pour rappel le dernier en date s’intitule Hotel California’s, Drive With A Dead Girl ne joue pas la facilité une fois lancé sur scène. La volonté flagrante de rendre les choses ardues tout en vous forçant à les admettre, malgré tout.
Le concert démarre par une séance de barouf en
bonne et due forme et le mélange entre cold wave squelettique et rock noisy –
tendance Sonic Youth des tout débuts – de Drive With A Dead Girl est très
étonnant : la musique du groupe peut être violente mais elle n’est jamais
frontale ; elle laisse même la place à une sorte de flottement qui lui
donne un net caractère d’irréalité et d’ailleurs le public, sans doute un rien
festif en ce samedi soir, ne croit pas s’y tromper puisqu’il déserte sans
aucune honte ni discernement aucun la salle au fur et à mesure que le concert
se déroule.
Mais bien évidemment le public à tort, Saturday Night
Fever mon cul, sauf évidemment si on voulait absolument voir un autre groupe
bétonné et au lyrisme un peu dark et incandescent, comme Berline 0.33, tiens.
Or Drive With A Dead Girl c’est un peu tout l’inverse, une faculté assez
incroyable à faire cohabiter ensemble malaise et beauté, sécheresse et
brouillard, froideur et crépitement. Un concert qui ravit les quelques survivants,
bien chanceux d’assister à un moment rare et d’une poésie glaciale et
mélancolique mais dans le bon sens du terme c'est-à-dire ni lugubre ni
complaisante. Merci (et, comme d’habitude, la vérité ça n’existe pas…).
C’est fini ? Non pas tout à fait : le
bassiste de Berline 0.33 revient sur scène, le guitariste de ces mêmes Berline
0.33 passe derrière la batterie et les deux guitaristes de Drive With A Dead
Girl restent en place. Au micro c’est le retour de la chanteuse des Berline et
tout ce petit monde de nous interpréter en guise de bonus track une formidable
version de I Dream I Dreamed de
Sonic Youth… une sorte de confirmation de ce que l’on disait un peu plus haut mais
aussi un beau cadeau (encore).
[les photos du concert c’est par ici]