La soirée commence mal : pendant que je
rêvasse tranquillement sur mon vélo tout en conservant une vitesse moyenne
digne d’un drogué du sport cycliste, un connard d’automobiliste arrivant en
face de moi décide soudainement de tourner sur la gauche et donc de me couper
la route – je freine brutalement et malgré cette manœuvre hardie qui ne
manquait ni de panache ni d’aplomb je perds le contrôle de mon vélo de petit
vieux, la roue arrière part en sucette, nous nous effondrons lamentablement ma
machine et moi sur la chaussée humide et glissons avec toute la volupté d’une
merdasse mécanique de l’époque préhistorique.
La voiture qui tournait a largement eu le temps de
me passer devant au lieu de me passer dessus, j’imagine que le conducteur a du
bien rigoler de me voir me vautrer ainsi par sa faute et – bien sûr – il ne
s’est pas arrêté. En langage juridique certains appellent ça un refus de
priorité et un délit de fuite. Mais tout va bien, n’est-ce-pas, puisque je me
suis relevé sans peine et (presque) sans une égratignure ? Ben non. Les
raclures de bidet qui conduisent comme si le monde leur appartenait et tentent
de gagner des points de vie supplémentaires en se tapant les piétons, les vélos
ou les autres bagnoles ça coure de plus en plus les rues, en ce moment, en
ville. Bande de connards.
Cette colère à froid ne changera rien. Sur le
moment j’étais surtout content de pouvoir continuer ma route après avoir remis
en place la chaine de mon vélo et avoir enlevé un peu de la crasse urbaine que
le côté gauche de mes vêtements avaient raclée sur le sol humide ; une
insulte à l’encontre de la voiture déjà loin et puis c’est tout. Et continuer
en direction du Sonic où une fois
arrivé je termine de me nettoyer – je m’aperçois aussi que je me suis fais mal
à la main gauche. Mais la soirée peut quand-même (vraiment) commencer.
Et elle commence par CYRIL M., charmant jeune
guitariste/chanteur invité par Agathe Max – parce que ce soir c’est la release
party de son nouvel album à elle et qu’elle a décidé de faire ce qu’elle veut
–, un garçon de 20 ans qui ressemble à un Ramones (oui, je sais, j’ai des
références de vieux con mais c’est de mon âge) mais qui tente plutôt de marcher
sur les territoires sacrés du très grand Keiji Haino : guitare terroriste,
chant maléfique de sirène éviscérée, destruction du blues et bidouillages
bruitiste. Moi quand j’étais jeune j’ai toujours voulu ressembler à Lemmy
Kilminster – et à un ou deux détails près c’est plutôt raté – et je comprends pourquoi
Cyril M. a été invité par Agathe Max à ce concert : il y a du potentiel –
et sûrement aussi du talent – chez ce jeune homme.
Je ne suis pourtant pas vraiment d’humeur mais,
l’avantage de la jeunesse étant qu’elle va vite en besogne, le set de Cyril M.
passe trop vite pour que j’aie envie de fuir en direction du bar pour commander
une bière. Et puis si, tiens, finalement j’ai soif.
Suit HAMA YÔKO que j’ai déjà vue au Sonic (en première partie d’Aki Onda, de Cut Hands puis du duo Anne-James Chaton/Andy Moor) mais je ne m’en lasse pas. Là aussi le concert me parait bien court mais c’est sûrement parce que le charme opère une nouvelle fois complètement et qu’Hama Yôko est à sa façon une magicienne ensorceleuse. Sa pop mutante et détraquée est vraiment unique en son genre et si je faillis encore une fois à décrire de façon plus appropriée et à parler un peu mieux de la musique d’Hama Yôko c’est tout simplement parce que les termes choisis me paraissent toujours et au mieux inappropriés et au pire trop galvaudés.
On parlera (donc) de pop expérimentale, de
bidouilles ludiques et de japonaiseries mais surtout Hama Yôko touche juste
avec son lyrisme désaxé et ses perpétuelles trouvailles sonores. Une musique
aussi vive, drôle que profonde et sombre. Sur la table de marchandising la chanteuse/musicienne
propose son CD This Is Movie (publié
par Nuun Eclipse) et cela me rappelle que je l’ai déjà, que je l’ai beaucoup
écouté mais que je ne l’ai jamais chroniqué – oui, c’est mal.
Sur cette même table de marchandising il y a
également des exemplaires de Dangerous
Days, le nouvel album d’AGATHE MAX ;
ce concert est précisément organisé pour la sortie officielle de ce deuxième
album qui parait plus de trois ans après le premier, sur un tout nouveau label
lyonnais, Inglorious records (et
qui est également un nouveau studio d’enregistrement : c’est bon des fois
de rencontrer des gens qui assument leurs rêves avec inconscience).
J’avais une longueur d’avance puisque ayant pu
écouter les titres de Dangerous Days
depuis quelques semaines déjà, confortablement installé à la maison devant mon
ordinateur, mais quel plaisir de (re)découvrir enfin cet album en concert.
Démarrant son set par Tundra et le
terminant par The Bird, Agathe Max
passe en revue toutes ses nouvelles compositions et en dévoile toutes les
richesses : sa musique est désormais plus harmonique, moins tellurique
mais elle n’en est pas moins porteuse d’une force de persuasion et émotionnelle
qui vous enveloppe littéralement. Derrière le côté plus apaisé il y a de fait une volonté étrange et
assurée.
L’instrumentation est également plus variée –
piano, orgue, batterie, etc – et Agathe Max gère ces nouveaux arrangements à
l’aide d’un laptop sans donner l’impression de jouer avec des
bandes : la performance instrumentale est toujours aussi impressionnante chez
elle. Le recours aux projections ne donne pas non plus ce caractère de bouche
trou (la musique d’Agathe Max pourrait pourtant être qualifiée de
cinématographique) tout simplement parce que cette musique se suffit à
elle-même, dans toute sa beauté et tout son pouvoir d’évocation. Encore un beau concert (et on reparle de ce nouvel album bientôt).
[quelques photos-souvenirs
du concert]