Years Past
Matter est le quatrième album de KRALLICE en quelques cinq années et on
peut déjà affirmer qu’il s’agit là du meilleur enregistrement de ce groupe basé
à New York – meilleur enregistrement à égalité cependant avec le tout premier album sans titre de 2008*. Au fil des enregistrements le black metal sauce Krallice a
toujours plus emprunté les voies de la sophistication et si au départ on pouvait
encore y discerner quelques relents dégueulasses tendance
qualité/savoir-faire/tradition scandinave, force est de constater que le metal
extrème de Krallice ne ressemble à aucun autre de par son mélange de
complexité, de fureur, de rigueur progressive, d’explosions dissonantes, de
polyrythmies dévastatrices et d’inventivité. Et on en viendrait presque à
oublier qu’il s’agit là réellement de metal ou, en tous les cas, le niveau
d’ultra-violence hypersonique est en quelque sorte largement transcendé par une
hyper-technicité et une complexité über alles qui frisent l’irréalité (double
exploit en quelque sorte).
Ainsi Krallice a commencé à définir ses fondamentaux dès
son premier album, fondamentaux que le groupe a largement améliorés et développés
le temps de Dimensional Bleedthrough
(2009) et Diatoma (2011), deux
disques qui bien qu’excellents n’arrivaient toutefois pas à tout à fait replonger
l’auditeur dans le même état cathartique que le premier album. Sur Years Past Matter Krallice est arrivé à
faire une sorte de synthèse entre la noirceur et la rugosité des débuts et les
délires progressifs d’ensuite, perfectionnant sans désormais l’alourdir une
musique retrouvant tous ses galons d’incandescence instantanée. Years Past Matter est un disque
relativement plus court que ses deux prédécesseurs – une heure seulement de
bouillonnement maléfique – et seul le sixième et dernier titre avec ses presque
dix-sept minutes, quasiment instrumental qui plus est, rappellera que Krallice
excelle également dans le registre jusqu’au-boutiste du délire épique voire
grandiloquent. On peut d’ailleurs déterminer une certaine dichotomie sur Years Past Matter entre les quatre
premiers titres du disque, tendance machines sans pitié, et les deux derniers,
symphoniques et délirants.
On dira peut-être que j’exagère, que tous les
albums de Krallice se ressemblent et que Years
Past Matter n’est que la quatrième incarnation d’une vision musicale unique
mais, donc, répétitive. Ce point de vue peut aussi se défendre… la seule
possibilité d’évolution pour Krallice n’est pas de changer – ne serait-ce qu’un
tout petit peu – sa ligne de conduite mais de creuser toujours et encore le
même sillon, d’aller toujours plus loin en évitant tout sentiment de surenchère
inutile (défaut trop courant chez les groupes de metal) tout en repoussant les extrêmes de la complexité/inextricabilité de sa musique (exercice périlleux, donc). Pourtant on affirmera
une nouvelle et dernière fois que Years
Past Matter est le meilleur disque de Krallice et que donc, pour l’instant,
le pari du groupe est largement réussi. Et on se fout bien de tout le reste.
Years Past Matter est publié en CD
uniquement et en complète autoproduction par le groupe lui-même et lui
seul ; le digipak n’indique rien si ce n’est le nom du groupe et le nom du
disque (les différents morceaux n’ont, précisons-le, pas vraiment de titres) et
surtout pas le nom d’un éventuel label : pourquoi Profound Lore, qui a
publié les trois premiers albums de Krallice, n’a-t-il pas également publié
celui-ci ? Mystère… Mais une chose est sûre, c’est que Profound Lore a
vraiment raté quelque chose d’exceptionnel sur ce coup là.
Le seul moyen de se procurer Years Past Matter reste donc de passer par la page bandcamp du groupe** et de vous
armer de patience : personnellement j’ai du attendre près de deux mois et
envoyer quatre mails au bassiste Nick McMaster, qui s’occupe du département
export et ventes internationales de Krallice, avant de recevoir enfin mon
exemplaire chéri (ce qui n’empêche pas Nick d’être un garçon extrêmement poli).
* une chronique qu’avec le recul on peut juger un peu trop légère
* une chronique qu’avec le recul on peut juger un peu trop légère
** quoique… les plus avisé(e)s d’entre vous auront bien sûr repéré qu’une version double album est désormais prévue chez Gilead Media pour le mois de février 2013 (c'est-à-dire maintenant !)