mercredi 13 juillet 2011

Kourgane / Corps De Chasse





Parmi les meilleurs temps forts du Fuckfest #3 – une sorte de rendez-vous biannuel entre intégristes de la cause noise et qui cette année s’est déroulé les 23 et 24 avril à Mains d’Œuvre – il y a eu ce concert époustouflant de Kourgane. Le groupe présentait ce soir-là son tout nouveau mini album, intitulé avec ce plaisir des mots que l’on reconnait entre mille Corps De Chasse et publié par l’excellent label palois A Tant Rêver Du Roi. Ces nouveaux titres (six au total pour une grosse demi heure) ont donc d’abord été découverts sur scène lors d’une prestation qui avait marqué les esprits et échauffé les sangs : Kourgane est l’un des meilleurs groupes live de ce côté-ci de la planète et, l’espace d’un seul concert, avait réussi à rendre Akène, Rambarde, Radio Free Asia ou le génial Y Rester aussi intemporels qu’indélébiles dans nos mémoires. Se retrouver avec une musique aussi violemment incrustée dans la peau est une expérience magnifique mais exigeante : c’est une expérience qui peut occulter tout le reste et en particulier l’écoute à posteriori de Corps De Chasse. Il ne s’agit pas de la peur – non justifiée ici – d’être déçu par un disque après avoir tant aimer le concert mais bien d’un état de plénitude que l’on n’oserait briser et qui de toute façon ne le permettrait pas. Alors on attend, sans même s’en rendre tout à fait compte et jusqu’à ce que le manque, terrible, se fasse sentir.
Car notre ami le temps est avec nous et avec lui l’envie de découvrir Corps De Chasse, avec toute la simplicité dont on est à nouveau capable, comme une offrande à la fois païenne, sanguinaire et libératrice. Prétendre « découvrir » Corps De Chasse est peut être un peu fort mais c’est bien de cela dont il s’agit, alors qu’au delà du style inimitable de Kourgane on reconnait chacune des compositions du disque, alors qu’elles vibrent à nouveau en nous, fébriles, violentes et incendiaires, mais que surtout elles accèdent à une nouvelle vie transcendant la première. Voilà un disque qui est aussi incarné et donc aussi indispensable que son prédécesseur, le monstrueux et bestial Heavy (2008/2009). Devant tant d’impétuosité, de force et de souffle on n’aura finalement pas attendu si longtemps que cela.
Il n’y a peut être rien de fondamentalement nouveau chez Kourgane depuis Bunker Bato Club (2006) et Heavy, le groupe allant avec Corps De Chasse juste toujours plus loin dans son processus de tension ascendante (dont le meilleur exemple est très certainement Y Rester) qui fait fi de toute structure conventionnelle incluant couplets, refrains, chorus, ponts et tout ce genre de chose. Kourgane c’est l’émotion incandescente qui vous submerge et vous dévore mais toujours pour le meilleur, l’émotion d’un festin charnel et incarné, foudroyant et lumineux. Kourgane est à la fête malgré une noirceur et une oppression de tous les instants et cette fête est révélatrice, telle une sorte de transe ou d’expérience hors du corps. Kourgane est ainsi à la fois un groupe terriblement terrestre – l’impact physique des compositions – et incroyablement extra-mental.
On remarquera donc que les titres se sont allongés sur Corps De Chasse, permettant encore plus, accentuant presque jusqu’à la torture les effets secondaires d’une musique impérieuse (Rambarde). On notera aussi – ou alors ce n’est juste qu’une impression – que le groove s’est accentué : le rythme général continue de ne pas dépasser le mid tempo chaloupant et plus que jamais la guitare baryton sonne immanquablement, comme l’épine dorsale d’une vague de fond sur laquelle l’autre guitare s’hérisse en piques de feu tandis que la voix déclame des textes mi onomatopéiques, mi conquérants et mi poétiques. Kourgane c’est l’ardeur et la hardiesse dans le sens le plus noble de ces termes, celui d’une expérience partagée.

[Corps De Chasse a donc été publié chez A Tant Rêver Du Roi, l’artwork est absolument superbe et c’est tant mieux puisque on peut l’admirer en grand format, le disque ayant été pressé sous la forme d’un vinyle 12’ – il est aussi accompagné d’un CD avec le même contenu et donc idéal pour le mange-disques de ma nouvelle voiture]