samedi 16 juillet 2011

Opéra Mort / Des Machines Dans Les Yeux





Avec un nom de groupe pareil, Opéra Mort, et un nom d’album comme ça, Des Machines Dans Les Yeux, on s’attend à un duo s’enivrant des sonorités 80’s et versant dans un revival synth cold – pourquoi pas après tout, Guerre Froide s’est bien reformé récemment*. C’était sans connaitre él-g et Jo qui forment Opéra Mort mais avec des visions toutes autres que celles d’un revivalisme rance et passéiste. Ah!, me demanderez-vous, quelle est la nuance entre un retour en arrière nostalgique et une vision réactualisée et personnelle de quelque chose qui a déjà été fait ? Eh bien… disons que dans le cas des années 80, comme souvent, c’est le kitsch et l’apprêtement qui font toute différence. Extra Life par exemple arrivait jusqu’il n’y a pas si longtemps que cela à canaliser ses sources d’influence et ce sans tomber dans la parodie ou le pastiche – deux méthodes pourtant très utiles et très pratiques par leur second degré pour rendre des hommages inavouables sans risquer de passer pour un blaireau**, ces méthodes sont devenus monnaie courante et se sont tellement généralisées qu’elles forment les lois incontournable du plus grand des maux actuels, ce que certains dédaigneux désignent par post-modernisme, à l’exact opposé de toute sincérité et de toute recherche – même vaine – de vérité***.
Si certaines musiques nous touchent plus que d’autres, c’est aussi peut être parce qu’elles nous rappellent quelques souvenirs (auquel cas mieux vaut se rabattre à nouveau sur sa bande-son personnelle et historique) mais surtout parce qu’elles nous parlent vraiment : pas de la pluie ou du beau temps, ni des nouveaux motifs de tatouages à la mode ou du dernier plug-in qui permet de faire de la musique sans s’enlever les doigts du cul, mais elles évoquent en nous – de manière intiment liée à notre parcours musical, c’est vrai – des choses aussi universellement incompréhensibles que la sensation/appréhension du beau ou du laid (et l’attirance qui va avec, ou pas). Ces abrutis de biochimistes ont tenté de nous expliquer en nous parlant des phéromones pourquoi, à n’importe quel moment, à n’importe quel endroit et surtout avec telle ou telle personne, on a soudain envie de lécher la sueur légèrement acide qui lui coule doucement au début de la raie des fesses : il existe à coup sûr des explications similaires définissant l’attirance musicale, des explications qui ne dépendent pas des phénomènes de résonnance intérieure mais je ne veux pas les connaître****.
Malgré toute sa froideur, toute sa rudesse granulaire et son côté sombre indéniable, la musique d’Opéra Mort ne pourra donc jamais éteindre toute la passion qu’elle suscite par ailleurs, sans autre forme de procès ni quelque avertissement que ce soit. Point de convergence entre un Thobbing Gristle sous acides et un Soft Cell en plein bad trip, Opéra Mort utilise des ondes sinusoïdales qui font mal aux oreilles, des boites à rythmes qui jouent à l’acuponcture et des voix fantomatiques, comme celles qu’une légende urbaine prétend que l’on peut capter aux extrémités des bandes hertziennes d’un vieux poste de radio*****. Musique de nulle part et donc de partout à la fois, mais aussi musique de l’intérieur, Des Machines Dans Les Yeux transcende les notions d’effroi et de malaise, ces six titres arrivant à faire oublier la douleur alors que celle-ci est précisément leur propre moteur.

Ce disque – après un LP monoface et une cassette parus chez Tanzprocesz – a été publié par Bimbo Tower, immanquable disquaire parisien autoproclamé « verrue de la Bastille ». Le meilleur moyen de se procurer Des Machines Dans Les Yeux, c’est donc de les contacter.

* je me rappelle aussi d’un groupe particulièrement mauvais dans le genre cold/goth en retard d’une décennie, du nom d’Opéra De Nuit, allez puisque tu insistes, je parierais que eux aussi se sont reformés…
** et en général ces méthodes concernent une musique qui déjà à la base n’est qu’une parodie, comme le rock progressif et toute ces enguirlandes seventies sévissant à l’heure actuelle dont on finira bien par se débarrasser un jour ou l’autre
*** la vérité en musique cela n’existe certainement pas et c’est tant mieux mais l’important c’est de continuer à la chercher, non ?
**** pas plus que je ne veux entendre parler des explications liées au loisir et encore moins à l’utilité ou au décoratif
***** et que l’on peut essayer d’écouter, si la curiosité nous titille, sur la compilation The Ghost Orchid – An Introduction To Electronic Voice Phenomena sur Ash International