Vous vous moquerez peut être complètement de savoir que l’artwork de ce disque – l’oiseau mort au milieu – est signé Lionel Fahy. L’ancien chanteur/guitariste des Portobello Bones poursuit pourtant brillamment une carrière déjà bien remplie de tatoueur et je ne peux que vous inviter à découvrir une partie de son travail. Le détail le plus important sur cette pochette de disque ce n’est toutefois pas ce dessin tout simple mais les reflets qui apparaissent en filigrane derrière et autour en reproduisant la surface d’un LP, objet magique s’il en est. A l’intérieur on découvre effectivement un beau vinyle rouge car les ex membres de Schoolbusdriver ont tout particulièrement tenu à ce que Nursery Rhymes For Old Men paraisse sous ce format d’un autre âge.
Ex membres me dites-vous ? Oui : comme l’indique également la mention 2005 – 2010 sur la pochette, Schoolbusdriver s’est éteint tout doucement et de sa plus belle mort au début de l’année dernière et ce disque se veut être le digne témoignage de la musique du groupe. Et ces jeunes gens ont donc mis le paquet, enregistrant dix de leurs compositions et les faisant graver via le label Fuzz-Wire. Ces dix titres on peut les découvrir sur la page bandcamp du groupe mais, honnêtement, rien ne remplacera le LP et une véritable écoute pour dévorer la musique de Schoolbusdriver. Car c’est bien d’une découverte dont il s’agit. Schoolbusdriver a surtout joué chez lui (du côté de Paris) – assurant notamment les premières parties de Silent Front, Young Widows ou Ten Volt Shock – mais bien plus rarement dans nos belles campagnes provinciales. Nous sommes donc beaucoup trop à n’avoir pas pu croiser le groupe sur une scène où parait-il il savait ardemment défendre son morceau de viande et embraser les petites culottes. Dommage pour nous…
Oui mais non : Nursery Rhymes For Old Men est peut être une séance de rattrapage tardive et forcément un tantinet frustrante mais le disque est vraiment magnifique avec un je ne sais quoi de noble et d’altier – en langage rock’n’roll on appelle ça plus communément la classe. Il ne faut pas se fier trop complètement aux hymnes lizardiens qui constellent les deux faces de Nursery Rhymes For Old Men (Red Dwarf Dripping Blood en intro, le mega hit Santiag Breaks Your Balls juste après, My Black Hole Theory, Drowner, le deuxième super méga hit Multiples Vaginas – décidément ces titres respirent la poésie…), que des excellentes compositions qui après tout ne sont que l’arbre qui cache la forêt : Schoolbusdriver était tout aussi bon voire même excellait encore plus dans les tempos lents ou extrêmement ralentis. La valse déglinguée de Bob Kenchington ou de Do You Want To Fuck ?, peut être le meilleur titre de l’album, la rage contenue de Pages And Pages Of Sunshine Sunshine Sunshine et de Obstructing The Skull In Eleven Different Ways et sa fin merveilleuse constituent autant de grands moments. N’oublions pas le plus inhabituel I Am The Worm et son post punk presque décalé pour compléter le descriptif d’un disque qui au-delà d’un référencement un peu encombrant au départ – Jesus Lizard pour celles et ceux qui n’auraient pas tout saisi – s’impose chaque fois un peu plus, au fil des écoutes.
Des bons « petits » groupes comme Schoolbusdriver, on a beau savoir qu’il y a eu de partout et de tout temps, on espère qu’il y en aura beaucoup d’autres et toujours plus, à découvrir au gré du hasard. En ce qui concerne ces parisiens, si on n’a jamais eu la chance de les avoir vus et écoutés un jour il ne faut surtout pas passer à côté de la possibilité enfin offerte que constitue ce magnifique LP. Un disque regorgeant du simple plaisir de jouer et de la superbe des gens qui y croyaient vraiment. Vous ne le regretterez pas.