jeudi 10 février 2011

Benoît Pioulard / Lasted






















En regardant d’un peu trop loin, Lasted, troisième album de Benoît Pioulard publié par Kranky à l’automne 2010, ressemble fort à une brindille arty : on s’apprête à rire tout doucement rien qu’à l’évocation de ce pseudonyme un tantinet ridicule – le bonhomme est américain et s’appelle en fait Thomas Meluch – et son disque semble tout juste bon à servir de cure-dents et/ou de tisane pour faciliter les digestions difficiles. De la pop de petit garçon esseulé qui s’enferme dans sa chambre à double tour pour bricoler et enregistrer tout seul ses considérations sur la vie ? Non, merci ! Autant s’auto-satisfaire avec ses propres aigreurs d’estomac et autres flatulences nauséabondes – Lasted apparait alors à peine plus digne qu’un pet dans l’eau.
Heureusement, les choses ne sont pas toujours aussi simples et monsieur Pioulard n’a rien d’un artiste faussement maudit ou d’un autiste maniéré faisant de son petit cœur en bandoulière et de ses vibrations intimes un fond de commerce aussi lucratif que transparent. La pop diaphane du jeune homme est même suffisamment convaincante pour qu’on lui passe ses quelques tics boutonneux ou autres bouclettes dorées et elle est – niveau formel – assez réussie pour qu’on y trouve notre compte. Légèrement expérimentale mais pas trop, folk mais sans l’odeur de feu de bois, murmurée mais pas susurrée, fragile et délicate mais jamais précieuse, la musique de Benoit Pioulard évite donc soigneusement le syndrome Mon Petit Poney Magique.
Certaines évidences et certaines facilités agacent pourtant quelque peu, appelons ça des gamineries, on aimerait aussi que ce trop-plein de lumière filtrée cache en réalité une part d’ombre que Benoît Pioulard ne pourrait décemment pas montrer autrement – chose que Marty Anderson a par contre sublimement réussi avec son projet solo Okay – mais dans l’ensemble Lasted finit par atteindre son but, celui d’une certaine quiétude, les yeux mi-clos, en attendant que l’écho du train dont le sifflet résonne au début de Purses Discusses se soit totalement évanoui dans l’atmosphère. Ce garçon, honnête artisan, se révèle aussi être un songwriter homogène (trop ?), manquant certes de profondeur, mais avec quelques bonnes idées (utilisation de field recordings et autres manipulations sonores à la Fennesz). A la réécoute on préférera tout de même Temper, l’album précédent que Benoît Pioulard a publié en 2008, toujours chez Kranky, en gros la même chose que ce Lasted mais en plus attachant et à la bricole plus évasive – sans doute aussi Lasted n’a-t-il tout simplement plus bénéficié de l’effet de surprise.












Par contre la surprise c’est la venue de Benoît Pioulard au Sonic de Lyon le 15 février prochain : c’est même l’ami Dark Globe qui organise la chose, ayant décidé – quel inconscient ! – de se lancer dans les concerts. A noter en première partie la présence de l’excellent Raymond IV.