Markus Popp a la niaque. Après un mini album (Oh, un vinyle paru au printemps dernier) plutôt en demie teinte, le revoilà déjà sous l’appellation contrôlée d’Oval avec un double album gavé à ras bord. Celui-ci s’intitule O et est sorti en septembre sur Thrill Jockey. Deux CDs – deux vinyles pour les esthètes ou soixante dix* fichiers mp3 pour les losers et les pauvres – qui reprennent les choses exactement là où Oval les avaient laissées avec Oh… Alors, va-t-on à nouveau être déçu ?
Tout dépend de comment on écoute le disque. Faisons rapidement un sort à sa deuxième partie. Autant l’écouter en premier puisque on ne la réécoutera plus jamais après. Ce deuxième CD correspond peu ou prou à la deuxième face de Oh, c'est-à-dire que l’on peut y entendre cinquante titres parfois ultra courts, ne comportant souvent qu’une seule idée et façonnés à base d’une seule matière, celle de cordes de guitare frôlées, pincées, tapées, etc. On a donc droit à cinquante échantillons de la matière première utilisée par Marcus Popp pour l’élaboration de la première partie de O – on va vite y revenir. Certaines de ces vignettes sont amusantes mais le tout est terriblement anecdotique, lassant, rébarbatif et donc forcément dispensable. En outre, quelque chose me dit que Markus Popp s’est inspiré de ceci** – ou bien à chercher à l’imiter – pour obtenir ses sons de guitare (qu’il a ensuite quelque peu retravaillés), ce qui colle parfaitement avec l’optique « accident sonore » qui a marqué l’ensemble de ses travaux jusqu’ici. Que ces cinquante plages ne soient qu’une annexe à O ne fait en outre guère de doute puisque elles ne figurent avec la version double LP que sur la partie téléchargeable du disque, grâce au coupon fourni par le label. Autant dire ce que cela relève du gadget.
O c’est donc uniquement le premier disque. Ou le double LP. Et jusqu’à la fin des temps je n’écouterai que celui-ci. Là aussi Markus Popp reprend l’esthétique et les façons de faire déjà mises en place sur Oh (mais uniquement de sa première face cette fois-ci). Aux bidouilles de guitares (majoritaires mais non exclusives) s’ajoute un réel travail sonore consistant en pas chassés, sauts de puce dans le vide, accrochages numériques et autres hoquets digitaux, soit tout ce qui a fait la marque de fabrique d’Oval. Et malgré diverses réapparitions de rythmes de batterie – parfois c’est vrai que l’on aurait aussi aimé qu’il y en ait un peu moins – on retrouve sur ce O bien plus d’éléments essentiels de la musique d’Oval qu’il n’y en avait sur Oh. On retrouve surtout cette improbable poésie du glitch. Les titres sont une nouvelle fois très courts, presque des mélopées de boites à musique imaginaires ne pouvant donc admettre qu’infiniment peu de variations. Derrière les motifs répétés et les accrochages sonores on repère toutefois tous ces petits détails (certains étant donc accidentels) qui éclosent, fourmillent et disparaissent. La musique d’Oval tient toujours de la trance intime, presque du non-dit. Markus Popp est à nouveau le prince d’un royaume qui appartient à personne.
* soixante seize fichiers si on récupère sur internet la version double LP, celle-ci comprenant six titres ne figurant pas sur le CD
** une indication qui m’a été révélée par un lecteur voulant au départ me montrer d’où la photo de la pochette Oh était tirée, merci à lui
** une indication qui m’a été révélée par un lecteur voulant au départ me montrer d’où la photo de la pochette Oh était tirée, merci à lui