Retour en arrière. Les Flying Luttenbachers sont morts et enterrés depuis longtemps : jouer avec ce groupe n’amusait plus vraiment Weasel Walter (mais, vu la versatilité du bonhomme, ce n’est pas dit qu’il n’y retourne pas un de ces jours). L’album Cataclysm, l’avant dernier du groupe, a longtemps représenté le Saint Graal pour les fans des Luttenbachers. D’abord, au moment de sa première parution en 2006, le groupe alignait l’un de ses tous meilleurs line-ups : Weasel Walter bien sûr à la batterie et aux molards, Ed Rodriguez (Colossamite, Gorge Trio) à la guitare, Mick Barr (de Ocrilim à Krallice en passant par Orthrelm et Crom-Tech) à la deuxième guitare et Mike Green (Burmese) à la basse. Une sacrée bande de foutus tarés. Ce n’est pas pour rien si cet album est considéré comme le meilleur du groupe mais il y a une autre raison au côté « trésor caché » de Cataclysm. Le disque a très rapidement été sold out, très peu de temps après sa sortie officielle et de manière assez incompréhensible. Weasel Walter avait publié lui-même Cataclysm via son propre label uG Explode et il faut croire qu’il avait été pessimiste sur le nombre d’exemplaires à presser. Mais comme toujours avec ce cher Weasel, on pouvait également espérer une réédition… ce qui a fatalement été le cas. Une réédition oui, mais uniquement en CD puisque monsieur a tendance à estimer que le vinyle ne rend pas suffisamment hommage à sa musique.
La dite réédition consiste en un digipak très joli et entièrement cartonné reprenant le même visuel que l’original. A l’intérieur se trouve un vulgaire CDr avec écrit dessus d’une main maladroite – serait-ce la main du maître ? – ug19 soit la référence label de Cataclysm. Pas de problème, le CDr est bien gravé avec l’intégralité de l’album dans un format audio standard et non compressé mais on a le droit d’être déçu : se procurer cette nouvelle version de Cataclysm (ou de quelques autres références des Flying Luttenbachers qui ont subi le même traitement) relève de la pure philanthropie voire du mécénat à l’égard de Weasel Walter. Si on manque cruellement d’argent de poche on préfèrera donc de vulgaires mp3*.
Reste qu’effectivement Cataclysm est bien l’un des meilleurs albums du groupe. Tout ici est absolument incroyable et malade. Si le mot « progressif » peut un jour obtenir quelques lettres de noblesse c’est du côté de cet album qu’il faudra aller les chercher. Weasel Walter et sa petite bande de mercenaires s’emploient avec une rare cohérence (lorsqu’elle est au service d’un tel sens du bordel) à détruire mélodies, structures, bon goût et tout y passe, un peu comme si Magma se mettait à faire des reprises d’Ornette Coleman en version thrash metal avant de fracasser Ligeti sur le mur d’une no wave freeteuse bardée de tessons de bouteille. Seul moment de respect amusé, une interprétation fidèle bien que joué à la guitare du 4ème mouvement de l’Ascension d’Olivier Messiaen – pas d’orgue ici mais quand même une certaine idée de grandeur céleste et une sorte de pause avant l’assaut final et les ultimes déflagrations de Regime parts 1 & 2.
Cataclysm est un pur moment de folie, un sommet de la carrière de Weasel Walter et l’un des grands disques du début de ce millénaire tout court. Certains semblent pourtant considérer qu’il est peut être dommage que désormais Weasel Walter se soit jeté à corps perdu dans des projets intégralement improvisés (ce que somme toute il réussit aussi très bien) : le format bâtard mi free, mi noise, mi punk et mi impro libre** des Luttenbachers lui allait si bien…. Il est effectivement vrai que Cataclysm peut donner raison aux nostalgiques des Luttenbachers mais il est tout aussi vrai que Weasel Walter ne semble jamais avoir dit son dernier mot.
* à ce propos Weasel Walter dispose maintenant d’une page bandcamp
** quatre moitiés je sais bien que ça fait deux mais les Flying Luttenbachers n’ont jamais été un groupe de math-rock, n’est ce pas ?