samedi 25 décembre 2010

Jesu / Christmas EP























Nous sommes le 25 décembre, quelques 10 % de la planète s’apprêtent à bouffer en une petite poignée d’heures l’équivalent d’une année de rations de survie des 90 % restants, les petits enfants chinois ont fait beaucoup d’heures supplémentaires non rémunérées pour que chaque petit enfant européen doté de parents encore économiquement viables puisse avoir des jouets par milliers et Justin Broadrick nous refait le coup du single de Noël. Le « disque » sort sous le nom de Jesu et en fait de disque il s’agit d’un single digital, les fêtes de fin d’années c’est aussi le doigt du bonheur pour tous. Les petits malins auront déjà remarqué qu’il est peut être parfaitement inutile de payer 2.50 livres sterling pour obtenir cette musique en format numérique puisque les trois titres de Christmas EP se trouvent déjà dans tous les recoins plus ou moins obscurs de la toile. La musique en format numérique, c’est donc ça l’avenir ? Alors uniquement dans un monde où internet sera complètement verrouillé et surveillé par des cyberbulldogs. Et c’est ça le plus flippant en définitive : non pas que les supports en musique disparaissent – il restera toujours quelques tarés et esthètes pour en faire et d’autres pour se les procurer – mais que ce truc appelé internet, censément dernier espace de liberté* dont peut encore jouir un homme moderne, soit définitivement normalisé, réglementé, fliqué, nettoyé, moralisé et soumis. N’oublions pas que désormais même la notion de logiciel libre commence à être jugée dangereuse pour l’avenir de l’humanité.

Christmas EP
c’est avant tout un titre totalement inédit de Jesu et deux remix : un premier par Pale Sketcher et un second par Final. Donc nous avons Broadrick qui compose sous le nom de Jesu et qui se remixe lui-même sous couvert de deux de ses autres appellations d’origine contrôlée. Christmas est une honnête composition de Jesu, léthargique et embrumée à souhait, vaporeuse mais pas trop longuette malgré ses huit minutes de metal shoegazien. Inutile de préciser que les détracteurs de Jesu vont encore trouver là quelques méchants arguments en leur faveur, que les fans vont au contraire s’extasier et que tous les autres (soit à peu près 99.99 % de la population mondiale) continueront à ignorer l’existence même de Jesu. Les prophètes ont toujours eu la vie dure.
Les remix qui suivent sont également sans aucune surprise. Celui par Pale Sketcher est tout à fait dans la tonalité de l’album sorti chez Ghostly International au mois de septembre dernier sans toutefois atteindre les mêmes sommets de poésie pop et sucrée ou de brumisation electro qui avaient assuré un certain succès au disque. Quant au remix par Final, il faut quand même savoir que s’il s’agit là de l’un des plus vieux projets jamais initié par Broadrick, Final décrit surtout le côté ambient et atmosphérique du monsieur, que les disques de Final sont d’une chianteur à faire passer Aidan Baker pour Seth Putnam et que comme tout le reste chez Final ce remix ne vaut pas tripettes, même pas celles que s’apprêtent à gerber celles et ceux qui auront beaucoup trop bouffé ce jour en l’honneur de l’amour et de la tolérance universels.

* et comme c’est relatif : il y a des pays où tenir un site/blog relève de la cour martiale, il y en a d’autres où cela peut juste entretenir l’illusion alors que dans le monde réel tout se dégrade à grande vitesse – contrairement à ce que pensent les esprits optimistes l’utilisation d’internet dans les régimes oppresseurs ne se rapproche pas de celle des régimes plus « libéraux » mais c’est bien l’inverse qui est en train de se produire (voir en France les lois HADOPI, LOPPSI 2, etc)