La pochette de ce bootleg est suffisamment explicite en elle-même : voici un enregistrement live de Sonic Youth capturé il y a presque deux ans et demi le jour de la fête nationale américaine dans un parc situé sur la pointe de l’ile de Manhattan à New York. Exactement le genre de disque dont on n’attend pas grand-chose. Sauf que, premièrement, ce bootleg n’en est pas un mais constitue bien une publication officielle via Matador records, label sur lequel les quatre new-yorkais allaient alors bientôt signer – nous sommes en 2008 – puisque leur contrat avec Geffen arrivait à son terme. Deuxièmement, et c’est de loin le plus important, un rapide coup d’œil à la set list donne carrément le frisson… She’s Not Alone du premier mini album sans titre ; World Looks Red et Making The Nature Scene extraits de Confusion Is Sex ; The Sprawl, Hey Joni, The Wonder et Hyperstation de l’album Daydream Nation ; 100 % de l’album Dirty ; Bull In The Heather du trop mésestimé Experimental Jet Set, Trash And No Star ; Seul Jams Run Free – de Rather Ripped, alors dernier album en date de Sonic Youth – est la seule concession au présent du groupe.
Live At Battery Park est un bon enregistrement. Outre des versions vraiment excellentes – quel plaisir d’entendre Lee Ranaldo sur Hey Joni – pendant lesquelles le groupe démontre qu’il peut toujours être en très grande forme, Live At Battery Park propose une qualité sonore adéquat malgré les conditions d’enregistrements (concert en plein air dans un parc, grande scène, etc). La première face du disque est la meilleure des deux. La seconde souffre d’un affaiblissement en fin de parcours : Kim Gordon est assez pénible sur Bull In The Heather – c’est devenu une habitude avec elle mais fort heureusement elle ne chante sur Live At Battery Park que de façon minoritaire –, 100 % n’est pas vraiment le meilleur titre de Sonic Youth non plus (on sent bien que le groupe n’assume pas du tout le côté testostéroné de cette composition) et Making The Nature Scene est affreusement gâché par sa ligne de basse jouée comme un bucheron (on dirait presque qu‘elle est slappée) par la récente recrue Mark Ibold et bien trop mise en avant dans le mix. Dommage. A la place, vu le bon état d’esprit du groupe en ce jour de fête national américaine, on aurait carrément préféré un ou deux extraits de Sister (Schizophrenia ou White Cross mais ne rêvons pas) ou même un titre de Goo, album autrement meilleur que Dirty.
Initialement ce Live At Battery Park faisait partie de l’offre Matador Buy Early Get Now, en guise de bonus accompagnant l’album The Eternal. Au moins il s’agissait d’un cadeau foutrement intéressant de la part de Sonic Youth et de son nouveau label. Quelques petits malins ont profité des sites d’enchères en ligne pour revendre leur exemplaire à un prix indécent mais quelques copies ont fini par se retrouver dans le système de distribution classique (dans les bacs d’un bon vieux disquaire…) par on ne sait quelle opération du Saint Esprit. Curieusement on trouve à l’intérieur de la pochette une reproduction de l’affiche de l’exposition Sensational Fix qui s‘était déroulée durant l’été 2008 à St Nazaire – avant de devenir itinérante – et accompagnée d’un énorme bouquin dont on reparlera peut être un jour. Exactement la posture arty énervante dans laquelle Sonic Youth se vautre avec trop de complaisance et d’ailleurs expliquez moi un petit peu : qu’est ce que de la musique peut bien foutre dans un musée ? OK. Dans ce cas là, ce n’est plus de la musique, c’est du bruit qui pense (nuance !). Mais n’oubliez pas d’aller aux concerts.