Depuis la fin de Cheval De Frise, Thomas Bonvalet, autrefois simple guitariste de génie, continue de parcourir le monde avec L’Ocelle Mare. Ce projet si singulier – projet solo mais également projet de l’étrange – a abouti à trois enregistrements dont Engourdissement est le plus récent, sorti à la fin de l’année 2009 chez Souterrains-Refuges, la propre structure de Thomas. Assister à un concert de L’Ocelle Mare est une expérience inoubliable tant ce garçon, habité par la grâce aussi bien que par la brutalité d’une beauté instantanée, joue une musique inqualifiable, dans un état proche de la trance immobile et au milieu d’instruments bricolés ou décalés qui font ressembler le tout à un jardin secret.
Les deux disques précédents de L’Ocelle Mare – un album sans titre enregistré en 2006 et Porte D’Octobre datant lui de 2007/2008 – comportaient encore des traces palpables de mélodies, d’instrumentations, des choses/repères auxquels on pouvait se raccrocher, lointaine musique folklorique déconstruite au gré du vent mais finalement lisible. Avec Engourdissement, Thomas Bonvalet/L’Ocelle Mare va beaucoup plus loin, visant l’abstraction, y allant de toute une gamme de frottements, tapotements, battements, pincements, gémissement ou sifflements qui font ressembler les neuf compositions présentées ici comme autant de pièces d’une musique concrète interprétée avec de réels moyens acoustiques et non pas par manipulation de bandes à postériori. Engourdissement sent la terre mouillée, le fer rouillé, le caillou ramassé sur un chemin bordant un sous-bois, le vieux papier journal dont on se sert pour emballer les légumes du jardin. Il y a une vie incroyable là dedans, fourmillante, aveuglante, et en même temps d’une simplicité et d’un dépouillement majestueux.
Le mystère de cette musique est double : non seulement on ne le comprend pas mais il nous accapare, nous enveloppe et fait de nous ses plus fervents serviteurs. Qui y a-t-il de plus fort que quelque chose à laquelle il ne sert à rien de comprendre et dont la beauté nous transperce ? Rien.
Le mystère de cette musique est double : non seulement on ne le comprend pas mais il nous accapare, nous enveloppe et fait de nous ses plus fervents serviteurs. Qui y a-t-il de plus fort que quelque chose à laquelle il ne sert à rien de comprendre et dont la beauté nous transperce ? Rien.