One Less Heartless To Fear marque le très grand retour de Shipping News. Mine de rien on n’avait plus de réelles nouvelles de Jeff Mueller et de Jason Noble depuis Flies The Fields, un album datant tout de même de cinq années. Alors oui, on peut parler d’évènement parce que Shipping News nous livre pas moins qu’un enregistrement d’exception, à ranger directement aux côtés de ceux de Rodan et de June Of 44, autrement dits quelques uns des groupes précédents de ces messieurs* et, on l’aura remarqué, des groupes incontournables de la scène indie US des années 90. Celle qui a vu le jour de manière inexplicable et fortuite dans un bled du Kentucky, Louisville, puis a fait le lien avec Chicago avant d’essaimer de la façon que l’on sait dans le monde entier. Non seulement One Less Heartless To Fear se montre digne et à la hauteur du seul et unique album de Rodan, du Spiderland de Slint ou de The Anatomy Of Sharks de June 44 mais il en est le parfait prolongement ainsi que l’actualisation nécessaire et inévitable d’une musique aussi belle que profonde. Mais pas que.
Pour les irréductibles de Shipping News, ceux qui considèrent – un peu à tord tout de même – que Save Everything (1997) est le seul bon album du groupe tout comme pour ceux qui ont su apprécier Flies The Fields** à sa juste valeur, One Less Heartless To Fear sera à la fois une immense satisfaction mais également un choc. Dès Antebellum, placé en ouverture du disque, Shipping News montre un visage nettement plus énervé et brut que dans le passé. Le son est presque cru (mais d’excellente qualité) et c’est normal puisque One Less Heartless To Fear a été enregistré live à l’occasion de deux ou trois concerts donnés à la maison (Louisville donc) et Tokyo.
Les compositions (sept réels inédits sur neuf) sont davantage hargneuses, presque vindicatives et à plusieurs moments Shipping News vient lécher la plante des pieds de Steve Albini*** et de Shellac. Sur Do You Remember Avenues ? le lien de parenté est plus fort que jamais, on s’y croirait vraiment. Mais Jason Noble et Jeff Mueller aiment aussi brouiller les pistes : ainsi l’excellent This Is Not An Exit – et peut être meilleur titre de One Less Heartless To Fear, ex-æquo avec Bad Eve – tend une passerelle entre les deux « visages » de Shipping News, démarrant sur un registre énervé et s’achevant sur coussins d’air glacé. Axon And Denrites et, plus encore, le très mélancolique Half A House nous ramènent directement en arrière, à une époque finalement pas si lointaine et en tous les cas extrêmement familière. Derrière l’épaississement du son on perçoit toujours ça et là cette élasticité rythmique et ces courants d’airs glacials fugaces qui donnent certes envie de frissonner, mais avant tout de plaisir. Et puis le chant reste assez caractéristique, étrange association de neutralité et d’incarnation, comme essayer de parler/chanter à côté de son propre corps tout en sentant l’urgence d’y retourner.
One Less Heartless To Fear est donc une excellente nouvelle. Ce qui le serait également ce serait un retour gagnant de Shipping News sur scène en Europe, pourquoi par y compris une participation à la Convention Annuelle des Cassettes Africaines**** qui se tiendra à Lyon à la fin du mois d’avril 2011 mais là rien n’est moins sûr : Jason Noble se remet toujours trop difficilement d’un cancer, ce qui au pays de la non-assurance maladie, n’est pas sans poser de graves problèmes. Mais on y croit très fort malgré tout.
[One Less Heartless To Fear est publié conjointement en Europe par Africantape et Ruminance en vinyle et même en CD]
* Rodan : Jeff Mueller et Jason Noble – June Of 44 : Jeff Mueller – quant à Todd Cook il a joué dans The For Carnation mais également dans la reformation de Slint
** un exemple ? trop facile
*** et je suis sûr qu’il aime ça
**** un évènement culturel et artistique de stature internationale qui redonnera enfin à Lyon la place qui aurait toujours du être la sienne, celle de centre du monde – mais on en reparlera (beaucoup) en temps et en heure…
** un exemple ? trop facile
*** et je suis sûr qu’il aime ça
**** un évènement culturel et artistique de stature internationale qui redonnera enfin à Lyon la place qui aurait toujours du être la sienne, celle de centre du monde – mais on en reparlera (beaucoup) en temps et en heure…