lundi 25 octobre 2010

ANBB / Mimikry























Mimikry. En langue française on pourrait traduire ce terme par quelque chose comme mimétisme, ce réflexe naturel de défense qui permet à un animal quelconque mais appétissant de ressembler à tout autre chose sauf au diner du jour de son ennemi mortel et affamé. La photo de la femme araignée tirée de la série Veruschka Self Portraits du photographe allemand Andreas Hubertus Ilse et de la performer/transformiste Vera Lehndorff* semble aller dans le même sens, celui d’une musique à double fond et pleine de faux semblants. L’idée est intéressante mais ce n’est pas ce que l’on retient principalement de l’écoute du premier album d’ANBB soit, rappelons-le, la réunion d’Alva Noto et de Blixa Bargeld.
Non, ce que l’on retient en premier de Mimikry c’est la parfaite symbiose entre les deux musiciens. On l’avait déjà affirmé à propos de Ret Marut Handshake, premier enregistrement du duo publié quelque semaines auparavant : l’idée de cette collaboration – et ses résultats – est tellement bonne qu’elle semble couler de source, comme une chose naturelle, pressentie voire déjà connue, comme appréciée et aimée depuis longtemps. Le mimétisme est alors celui de l’auditeur qui ne peut que se transformer en boule de nerfs aux synapses digitalisés. La femme araignée, c’est lui, sans aucun doute. Certains objecteront sûrement qu’il faut avant tout être un vieil obsédé d’Einsturzende Neubauten** et un monomaniaque d’Alva Noto*** pour ressentir un tel résultat. Je ne le crois pas. Même sans connaître et/ou apprécier les travaux et groupes antérieurs de Blixa Bargeld et Carsten Nicolai (le vrai nom d’Alva Noto) on est frappé par la cohésion d’un album qui ne ressemble en aucun cas au résultat brinquebalant d’un duo éphémère et de circonstance. En matière de bizarreries electro-expérimentales et de chemins de traverse ANBB est la très bonne surprise de l’année 2010. Merci Raster-Noton.
On passera sur le fait que des cinq titres de Ret Marut Handshake, quatre sont à nouveau présents sur Mimikry : seul l’excellent Electricity Is Fiction restera pour toujours une rareté discographique d’ANBB. On retrouve donc le prenant Ret Marut Handshake, One, I Wish I Was A Mole In The Ground ainsi que Bernsteinzimmer – ces deux derniers titres apparaissant dans des versions rallongées et modifiées, en particulier Bernsteinzimmer et ses violons mélancoliques qui prennent une toute autre dimension.
Fall sert d’introduction particulièrement inquiétante à l’album. La voix, le cri de Blixa Bargeld y sont copieusement samplés, démultipliés alors que son chant/phrasé s’impose sur des faux airs de prêche. Fall est particulièrement déconstruit, confirmant que Mimikry – ou du moins une partie de l’album – est peut être bien le fait d’un processus de composition automatique. Once Again débute par un tir de barrage typique d’Alva Noto, brouillard digital vite rejoint par un traitement sonore et percussif qui n’aurait pas fait tache sur un album d’Einstuzende Neubauten tel qu’Halber Mensch. Mimikry, même lorsque on trouve que la voix de Bargeld est moins intéressante lorsqu’il passe à l’anglais, est une sorte de cut up sonore mélangeant plusieurs prises de la voix du chanteur sur fond de beat minimal accompagné d’une ligne de synthétiseur froide et de bruitages sporadiques. Tout simplement excellent.
Berghain reprend dans un premier temps cette idée de collage de voix avant d’aller dans le même sens, frontal et direct, que Once Again. Les deux optiques se mélangent alors parfaitement. Wust est le titre le moins intéressant de l’album, peut être parce que pour la première fois Blixa Bargled y prend un peu trop de place et que la méthode mise au point avec Alva Noto atteint donc toutes ses limites. Avec Katze c’est presque l’inverse qui se produit. Il est indiqué un featuring de Veruschka (ok : on l’entend miauler à plusieurs reprises****) mais tout le début de Katze est bien dominé par les rythmiques d’Alva Noto – et ses petits bips symptomatiques, comme la trace d’un sonar – Bargeld lui reste dans un registre purement narratif et le titre bascule dans une étrangeté réconfortante avant un troublant what is this ? where am I ? Et nous, nous somme tout simplement aux anges.

* elle a aussi fait une apparition très remarquée dans le Blow Up de Michelangelo Antonioni : c’est elle qui se fait shooter puis traiter comme de la merde par le photographe/David Hemmings au début de l’un des meilleurs films du monde
** ce qu’objectivement je suis depuis longtemps
*** oui, aussi
**** même moi je sais que Katze signifie « chat » dans la langue de Goethe