jeudi 12 mars 2009

L'Enfance Rouge / Trapani - Halq Al Waady






















L'Enfance Rouge inaugure une (petite) série de disques parus en 2008 et largement oubliés par ici alors qu’ils auraient largement pu figurer dans le tableau final des meilleures choses de cette année écoulée. De la méfiance, du dédain ou -pire- de l’indifférence. Commençons par énumérer toutes les raisons qui ont fait que Trapani - Halq Al Waady est resté pendant quelques mois dans les oubliettes à mp3 d’un ordinateur trop occupé à autre chose. Dans le désordre un nom de groupe ridicule et le cosmopolitisme musical revendiqué, plus particulièrement l’attrait pour les musiques du Maghreb, un peu dans la lignée d’un The Ex avec l’Afrique noire mais précisément ce n’est pas ce que je préfère le plus dans la démarche des hollandais. Tout comme l’affichage politique ou plus exactement la tendance à l’assertion et/ou à la sentence : entendre, dès le premier titre, une voix affirmant je crois que l’utopie est l’élément essentiel de notre intelligence ne fait pas très envie, même si je suis entièrement d’accord avec ce genre de pensée directement issue des idées de 1936 (et même de bien avant…) et de la révolution espagnole, bizarrement je n’ai pas envie de l’entendre -pas envie de l’entendre de cette façon là, précédant un petit déluge de guitare noisy avec toute la théâtralité que cela suppose. Je suis un adepte de la méthode Biafra, c'est-à-dire de l’antiphrase, du cynisme de l’exemple, de la violence directe. Je ne pouvais de toutes façons éprouver que du mépris pour un groupe reprenant du Noir Désir sur un de ses disques précédents et chantant la moitié du temps en français, le risque de trop comprendre les paroles ne me séduit que rarement.
L’Enfance Rouge est peut être bien le groupe que je viens de décrire mais il manque à cette exécution en règle deux points important : la générosité et la poésie. De ces deux éléments découle tout le reste, un militantisme frondeur, une curiosité de voyageur, un panachage d’influences musicales plus que réussi, des textes parfois magnifiques, des interprétations émouvantes (on n’est pas très loin de la sensibilité à fleur de peau d’une Thalia Zedek sur Petite Mort, onzième et dernier titre de ce disque éblouissant).
Comme d’habitude, c’est par la musique -violemment expressionniste- de l’Enfance Rouge que tout est arrivé. Une musique riche, luxuriante, empruntant au meilleur de la noise (la guitare nerveuse et bruyante, la rythmique reptilienne) et piochant dans la musique arabe (de nombreux titres ont été coréalisés et arrangés par des musiciens tunisiens) avec un naturel qui effacerait de mon cœur toute la méfiance éprouvée à l’égard des putasseries habituelles que l’on nous réserve sous l’appellation de world music. Il ne s’agit pas seulement ici de l’adjonction d’un luth ou d’une flûte, certains arrangements avec voix ou cordes sont tout simplement bouleversants de beauté absolue.
Désormais, alors que je suis largement plus que convaincu par ces filles et ces fils de la gauche rouge et noire (je ne parle bien évidement pas de l’ersatz de socialisme que l’on propose habituellement dans nos contrées occidentales), il ne me reste plus que deux ou trois choses à faire : continuer à aller faire du vélo les jours d’élection pour ne pas voter pour des trous du cul quels qu’ils soient, continuer à rêver et écouter Krsko - Valencia, ce précédent disque sur lequel figure justement la reprise de Aux Sombres Héros De L’Amer, un disque lui disponible aussi grâce à T-Rec. […]