mercredi 4 mars 2009

Gnaw / This Face






















Gnaw est la dernière trouvaille en date de Conspiracy, Gnaw est la curieuse association d’Alan Dubin (Khanate, OLD), de Jamie Sykes (Burning Witch) et de deux ou trois autres inconnus parmi lesquels Jun Mizumachi que l’on nous présente comme un ancien membre de Ike Yard, groupe de cold synthétique new-yorkais du début des années 80 -problème, je ne trouve pas trace de Jun Mizumachi sur la compilation chez Acute records retraçant les anciens méfaits de Ike Yard pas plus que je ne lis son nom dans toutes les bios que j’ai pu trouver sur le groupe. Mais le principe est là : Gnaw est la réunion de métallurgistes doomeux et de tortionnaires sonores à tendance électro indus. Gnaw est ce que d’aucun appelle un super groupe, terminologie repoussante.
This Face
est le premier album de Gnaw et a entièrement été produit par lui-même. Le résultat laisse assez perplexe. Non pas que This Face soit mauvais, bien au contraire, son écoute risque de donner quelques frissons nauséeux aux âmes sensibles mais je me demande toujours où le groupe veut en venir. Il y a trop de choses dans cette musique, tellement de citations, tellement de références, tellement d’emprunts, cela fourmille tellement d’intentions déclarées que cela finit par ne ressembler à rien, à un gros pudding sonore et terroriste si on veut.
Le CD offre neuf titres (le LP, en vinyle rouge ou blanc, n’en propose que sept). Haven Vault annonce la couleur avec ses textures bruitistes en coups de vent tandis que la batterie assaisonne quelques roulements et que Dublin joue au grand golem. Le chant est d’ailleurs un problème récurant de This Face : autant Dublin était finalement très bien canalisé dans Khanate autant là il prend toute la place, en résumé il en fait des tonnes et beaucoup trop longtemps. Haven Vault s’achève sans que l’on comprenne pourquoi et on enchaîne avec Vacant, pale imitation synthétique des Swans. Talking Mirrors est nettement plus convaincant avec ses déflagrations et ses rythmes tribaux mais s’essouffle très vite. Feelers adopte d’emblée le langage de la surenchère, oui les rythmes peuvent impressionner, oui les sons des ingénieurs qui travaillent en arrière-plan peuvent faire mal aux oreilles mais tout ceci est si caricatural (ah le passage ambient au milieu avec ses pets digitaux), si convenu dans l’extrême… Il y a un peu plus de vie dans Backyard Frontier, ce cinquième titre réunit les mêmes éléments que précédemment mais l’alchimie prend enfin, peut être à cause de ce bourdonnement et de ces crissements qui jouent plus au vice qu’au tir de mortier.
Watcher
confirme cette approche moins prétentieusement explosive et le chant quitte le registre du type en train de se faire émasculer avec une râpe à fromage pour adopter un style clair, vaguement incantatoire tout en restant traînant, malsain quoi. Sur Ghosted Alan Dubin reprend ses habitudes de démon possesseur d’enfant mais ce titre est suffisamment déconstruit, suffisamment dégraissé pour passer la rampe lui aussi. Le LP s’arrête ici -et encore l’ordre des trois derniers titres est inversé, Backyard Frontier terminant la face B- mais le CD continue : Shard est un mix tribal avec bandes à l’envers, manipulations sonores et feulements de voix. BYF (reprise) est presque une chute de studio, un interlude de deux minutes, mais comme il n’y a plus d’autre titre après c’est un interlude qui sert à rien.
Il y a des jours où ce disque est franchement exaspérant et où il mérite tout simplement un allez simple pour la poubelle ou un magasin de disques d’occasion. Il y a d’autres moments où il l’est tout autant mais où on se dit que tout ceci n’est qu’un immense gaspillage, un ratage honteux et maniéré qui laisse entrevoir -en particulier sur sa deuxième moitié- ce qui aurait pu être un disque surpuissant, marécageux et urbain, bruyant et audacieux. Mais, non, This Face est juste un disque prétentieux qui sent la bidouille de studio et le rafistolage.