samedi 12 février 2011

Une interview de G.W. Sok rescapée des archives (2004)


Les questions de cette interview consacrée à The Ex ont été lancées un beau jour dans le vide d’internet et malgré quelques espoirs plutôt fondés les réponses ne sont jamais arrivées à temps pour être publiées dans le journal pour lequel elles étaient prévues. Il s’en est fallu de quelques jours seulement, saloperie de dead line.
C’est le chanteur/parolier G.W. Sok qui avait finalement répondu, sans doute débordé par toutes sortes de sollicitations alors que The Ex venait de publier Turn et que le groupe s’apprêtait à effectuer une tournée très spéciale pour célébrer son 25ème anniversaire (tournée racontée dans le DVD The Convoy Tour, 25 Years Of The Ex). On pardonnera la naïveté de certaines questions – je n’ai jamais été très doué pour les interviews – ainsi que leur manque de pertinence au regard de l’activité beaucoup plus récente du groupe (cette interview à été réalisée en 2004) mais les réponses de l’ancien chanteur de The Ex étant restées inédites depuis tout ce temps, sans doute cela en vaut-il encore un tout petit peu la peine.
On rappellera également que G.W. Sok sera en concert avec Cannibales & Vahinés pour quelques dates bien trop rares au mois de mars – le 16 à Genève, le 17 à Lyon (le Sonic) et le 18 à Macon (La Cave A Musique).

Peux-tu nous parler du nouvel album, Turn ?
Turn a été enregistré fin 2003 dans la foulée d’une mini tournée sur la côte Est américaine. Nous avons enregistré pendant trois jours au Electrical Audio Studio de Steve Albini à Chicago ces quatorze chansons constituant notre set-list actuelle pour les concerts et composées pendant une période d’inactivité en 2002. Turn est un double album édité en France chez Vicious Circle et nous en sommes vraiment très fiers. Si nous avons à nouveau travaillé avec Steve Albini c’est pour une raison toute simple : nous avons aimé son travail sur nos deux précédents albums Starters Alternators et Dizzy Spells, nous nous sommes appréciés mutuellement et puisque notre tournée s’achevait à Chicago et qu’il avait du temps disponible en studio, le choix a été évident.















Il y a un nouveau membre dans le groupe : Rozemarie qui joue de la contrebasse. Comment l’avez-vous rencontrée ?
En 2000 nous avons fait ce big band/The Ex en version étendue [nb : Ex Orkest, un album Een Rondje Holland sorti sur leur propre label et reprenant des titres de The Ex façon grosse fanfare free et avec aussi des impros collectives]. The Ex était alors devenu une formation de vingt personnes avec entre autres deux contrebasses. Lorsque nous avons fait une seconde tournée l’année d’après avec ce big band, l’un des deux contrebassistes était alors indisponible. A la recherche d’un remplaçant, Andy s’est souvenu d’elle, elle nous a rejoint, a aimé l’expérience et plus tard lorsque Luc nous a quittés, nous avons pensé à Rozemarie puisqu’elle avait été si enthousiaste, pourquoi ne pas lui demander de rejoindre The Ex dans sa version habituelle ?

Considérez-vous le départ de Luc comme une nouvelle étape pour le groupe ?
Oui, parce que Luc a joué avec nous pendant presque 20 ans. Nous étions une vraie famille, un peu comme un mariage et soudain nous avons du divorcer. Cela a été pour nous une expérience difficile, ce n’est d’ailleurs pas le moment le plus agréable dans la vie des gens. Nous avions déjà discuté plus d’un an et demi pour faire le point sur nos différences mais à la fin Luc sentait bien qu’il n’avait plus assez d’enthousiasme pour continuer. Après son départ et l’arrivée de Rozemarie la seule chose à faire était de jouer de la musique, nous débarrasser de notre vieille peau pour nous réinventer.

Avez-vous réarrangé avec Rozemarie des vieux titres de The Ex ?
La première chose que nous ayons faite c’est de faire des nouvelles chansons aussi vite que possible, cela pour pouvoir penser à faire des concerts le plus rapidement. Nous avons voulu commencer un nouveau groupe avec de nouvelles chansons. Nous n’aimions pas ces idées de recommencer avec des vieux trucs et Rozemarie devant jouer les lignes de basse de quelqu’un d’autre. Nous avons préféré d’abord tirer un trait. Alors, une fois que nous avons eu une dizaine de nouvelles chansons, nous avons enfin songé à en ajouter quelques unes en concert parmi les anciennes mais datant quand même de nos plus récentes parutions ou alors de juste avant la séparation d’avec Luc. Nous avons essayé mais cela n’a pas fonctionné alors nous avons abandonné l’idée. Encore une fois, nous ne sommes pas opposés au fait de jouer des vieux titres alors peut être qu’un jour…

Le livret de Turn mentionne des remerciements à Luc, êtes-vous toujours en contact ?
Apparemment Luc est occupé comme jamais, et c’est une bonne nouvelle. Il travaille toujours avec son autre groupe 4 WALLS [nb : deux disques sur le label Orkhêstra, le groupe est désormais en stand-by] et à côté il a aussi monté un groupe s’appelant FABLES, avec Andy Ex à la guitare et je sais qu’il joue également de la basse pour un nouveau projet du dessinateur/artiste belge Kamagurka. Nous sommes toujours en contact bien sûr, mais objectivement pas autant que nous l’étions avant.

Est-ce que tu peux nous parler de la chanson Huriyet sur le nouvel album ?
Nous avons trouvé cette chanson sur une vieille cassette, c’était un mauvais enregistrement chanté par deux jeunes enfants. Nous l’avons aimé et avons aussi apprécié que ce soit une chanson sur la liberté et l’indépendance. Elle provient d’une région de l’Erythrée où musulmans et chrétiens vivent ensemble sans problèmes. A la base cela n’a pas plus de signification que cela mais depuis les événements du 11 septembre 2001 et ses conséquences cela a soudainement beaucoup plus de sens.

Quelle est la signification de In The Event ? Qui parle à la fin de ce titre ?
Cette chanson parle de la prise de décision dans la vie, le fait que les décisions soient uniquement entre vos mains. La personne qui parle à la fin est le poète sonore Anne-James Charton qui nous a déjà rejoints quelques fois lors de nos concerts en France et qui sera à nouveau avec nous pour la prochaine tournée.





















Il y a quelques invités sur le nouvel album. Referez-vous un jour l’expérience de jouer avec des improvisateurs comme sur Joggers & Smoggers et Instant ?
Pour ce disque nous avons voulu restés aussi près que possible de la situation en concert, d’autant plus que c’était notre premier album avec Rozemarie. Bien sûr il y a toujours une chance pour que nous refassions des albums avec des musiciens issus de la scène de l’improvisation mais nous ne savons vraiment pas quand. L’avenir nous le dira : quand l’idée est bonne et qu’elle est réalisable, nous le faisons. Nous sommes toujours amoureux de la musique improvisée c’est évident ! Mais nous aimons tellement de choses différentes.

Pour la nouvelle tournée célébrant votre vingt-cinquième anniversaire, vous avez invité plein de musiciens…
Il y aura Getatchew Makurye, un épatant saxophoniste éthiopien de 70 ans, c’est la première fois qu’il vient en Europe, le groupe français Silent Block de Xavier Charles, le jazpunktrio italien Zu, The Evens avec Ian MacKaye à la guitare et au chant ainsi que Amy Farina à la batterie, un solo du légendaire batteur hollandais Han Bennink, John Butcher en solo également avec son saxophone, Hisako Horikawa qui est une danseuse japonaise, un duo pop-punk d’Amsterdam du nom de Zea, Jimmy Mohammed un extraordinaire chanteur aveugle venu d’Ethiopie accompagné de deux musiciens Messele Asmamaw et Asnake Gebreyes, The Living Ex Juke Box, en fait Wilf l’ancien batteur de Dog Faced Hermans (nb : qui sera peut être accompagné de l’ex NoMeansNo Andy Kerr) diffusant les vieilles chansons de The Ex à la demande. Tous ces gens ont vraiment été faciles à convaincre, ils nous ont tout de suite répondu oui parce qu’ils aimaient cette idée de jouer ensemble pour une tournée spéciale. Nous sommes vraiment très fiers de cela.

Avez-vous toujours la même vision de la musique ?
Nous continuons de penser à la musique comme une forme de protestation, une implication politique. La musique est avant tout un moyen d’expression que se soit avec des sons, des mots ou des idées. Mais la musique en est elle-même n’est pas suffisante, elle ne saurait exister toute seule en plein désert : elle doit être nourrie pour nourrir à son tour. Il y a une musique des pouvoirs ainsi que de l’ignorance et il existe une musique de la résistance. Le premier type de musique est aussi un style politique : ce sont les politiques du status quo, de la peur de l’inconnu. Nous sommes intéressés par l’autre type, nous croyons au pouvoir du changement et de la surprise.

Quels sont les projets de The Ex ?
Nous avons prévu d’éditer une compilation de singles épuisés et d’inédits. En fait, nous avons déjà annoncé cette parution depuis très longtemps, des années en fait mais d’autres projet ont toujours pris le dessus. Mais cette fois c’est sûr, la parution est pour le printemps prochain toujours sur Vicious Circle. Beautiful Frenzy va sortir en DVD toutes zones comme on dit, il s’agit d’un documentaire sur The Ex avec en plus une heure de concerts, une galerie photos et notre seule et unique tentative de vidéo-clip. Mais surtout, nous sommes très impatients d’être au mois de novembre pour ces concerts de la tournée du 25ème anniversaire de The Ex.