jeudi 3 février 2011

Drive With A Dead Girl / Fives






















Je trouve en général ce disque de Drive With A Dead Girl beaucoup trop long. Et je le pense encore souvent. Un disque qui m’épuise, m’éreinte, me pousse à bout et me laisse à demi inconscient sur le bas côté de la route au bout d’une heure d’intense écoute. En fait ce n’est peut être pas Fives qui est trop long mais sans doute moi qui ne suis pas assez endurant. Voilà donc un disque qui se mérite, un disque auquel j’ai été tenté de renoncer plus d’une fois mais je me suis fait forcer la main (un peu, pas beaucoup) : je l’ai écouté, je l’ai réécouté, un nombre incalculable de fois, et j’ai souffert. Mais je l’ai toujours écouté en entier, d’une seule traite et sans en perdre une miette. Surtout je l’ai écouté plus que de raison. J’ai à maintes reprises changé d’avis à son sujet, aimanté par l’inconfort qu’il faisait naître chez moi. Effrayé par ses parfums parfois un peu trop caverneux. Attiré par sa résistance à mon bon vouloir. Ce qui rend ce disque aussi intéressant c’est avant tout cette capacité de résistance. Que Fives soit un album bancal et imparfait est une chose. Et encore, cela peut se discuter. Mais qu’il dégage cette forte personnalité en est une autre et c’est bien tout là le principal.
Impossible de définitivement départager ivraie et bon grain sur un disque qui pourtant pratique l’hétérogénéité comme une sorte de règle absolue et inévitable. Il y a beaucoup d’éléments que j’aime sur Fives : des titres post punk, de la noisy pop, de la noise arty façon early Sonic Youth (quelque part entre le premier mini album sans titre des new yorkais et leur album Confusion Is Sex), de la cold wave et peut être d’autres choses encore, des choses auxquelles je n’ai pas vraiment pensé. Il n’y a pas de rapport direct entre un Glenn Killer martial et direct qui fait inévitablement penser (c’est un compliment) aux Banshees des débuts – lorsque Siouxsie intimidait tout le monde avec Love In A Void – et Volo, titre faussement fragile débouchant sur des éructations punks avant de s’achever dans des tourbillons soniques digne d’un Lee Ranalado encore juvénile. En puis quelle est cette langue – slave ? – dans laquelle s’exprime ici la chanteuse ? On ne comprend pas grand-chose à Volo, on ne comprend d’ailleurs pas grand-chose à Fives. Un album dont les premières écoutes commençaient à décoller à partir de la seconde moitié du disque. Puis, au fil du temps et des réécoutes, le processus a fini par s’inverser, certains titres plus faibles (No Gazoline) faisant apparaitre la deuxième partie de Fives plus laborieuse. Juste après No Gazoline, Takita Hijra, un titre pourtant très attachant, évite la préciosité que de justesse et Vautours, en guise de longue et lente conclusion, n’a pas tout le côté réfrigérant mais hypnotisant que l’on pourrait espérer du final d’un disque cathartique.
En dépit de ces déraillages derrière lesquels on décèle malgré tout quelque chose à prendre – le meilleur exemple étant toujours ce Vautours dont l’étrangeté lui confère une certaine aura – Fives impressionne vraiment. Dead With A Dead Girl y combine deux types de froideurs glacées, la première dopée au flanger et aux réminiscences post punk/cold wave (le Cure de Seventeen Seconds et Faith) et celle plus urbaine et plus sale de la descendance multiple du Velvet Underground (les vieux Sonic Youth, déjà cités). Banquise et dissonance y font excellent ménage et Fives est un disque sombre et vicié pourtant parcouru par aucune trace de mélancolie. Voilà ce qui est peut être de prime abord le plus choquant mais définitivement le plus réussi sur Fives : cette capacité à retourner le couteau dans la plaie avec une parfaite lucidité et sans la moindre hésitation – ce que les groupes de metal je-ne-sais-quoi plus ou moins gogoths essaient en général de faire à grand renfort de gros son mais en général sans jamais y parvenir. J’avais sans doute perdu l’habitude de me faire maltraiter à ce point. Et finalement j’apprécie.