vendredi 10 décembre 2010

Ça se gâte (reviens Michael !)























Alors que la ville dégueule de touristes déportés par bus à étage depuis la France entière puis parqués en paquets de cent pour assister à cet évènement typiquement lyonnais mais à renommée internationale que l’on appelle communément fête des lumières (et qui n’est jamais que le résidu rance et commercial d’une fête de curés) et alors que la jeunesse rock’n’roll – du moins celle qui a survécu à la venue de Jon Spencer Blues Explosion la veille au Ninkasi – se précipite à Grrrnd Zero pour assister au S.K. Festival et pour manger du bouddha*, je préfère me concentrer sur un évènement culturel bien plus prétentieux et élitiste et donc possédant bien plus de valeur à mes yeux : le concert de Gate au Sonic avec Hallux Valgus en première partie.
Tout le monde ne semble pas partager mon (bon) goût du risque et de l’aventure car le concert a du toper à dix entrées payantes maximum. Ce genre de concert intimiste qui, lorsqu’il est vraiment réussi, te métamorphose directement en gros connard prétentieux et arrogant – moi j’y étais et pas vous, bande de nases – et qui, lorsque il devient n’importe quoi (sauf un bon moment, donc) te fait regretter d’être là, d’avoir bravé le froid hivernal, l’humidité, les cars de touristes susmentionnés, la place de la gare voisine transformée pour l’occasion en un marché de Noël pour acheteurs de pacotilles artisanales mais forcément très chères.






















Meurthe a la très lourde tâche de s’attaquer en premier à nous réchauffer le corps et l’esprit. Meurthe ? Derrière ce pseudonyme plutôt réfrigérant et énigmatique on retrouve un garçon qui organise régulièrement et au péril de sa vie des concerts de bon goût** au Sonic ou à Grrrnd Zero et que l’on avait déjà croisé sur scène (ou plutôt par terre) sous le nom de Ulrike Meinhof (ici par exemple). Et il se fait donc désormais appelé Meurthe… changement de nom parce que changement de musique ? Pas tout à fait. Déjà notre garçon trimbale le même matériel que les fois précédentes à savoir une guitare, un pinceau de peintre en bâtiment modèle n°24, des cymbales cabossées, des pédales d’effets, des jacks rafistolés au chewing-gum mentholé, des boites avec des lumières dessus mais qui doivent également servir à produire des sons, bref toutes ces choses beaucoup trop compliquées pour moi et auxquelles je n’y entends pas grand-chose. La fierté mal placée du béotien.
Après, il me semble que Meurthe joue différemment sur les durées qu’Ulrike Meinhof : les trames sont plus facilement prolongées, la répétition des textures devient presque une règle et la musique se fait donc plus insistante, plus monolithique et pourrait pourquoi pas quitter les territoires de l’ambient pour aller flirter du côté d’un harsh mollement caramélisé. Mais on sent aussi que Meurthe se retient, le volume sonore n’est pas non plus son meilleur allié et, au lieu d’ensevelir l’auditeur passionné, la musique de Meurthe se contente d’une inondation un rien trop timide et souffreteuse. Pas assez de tourmente mais par contre toujours de très bonnes et très belles idées pour un genre (le drone machin ce que tu veux) qui pourtant peine à se renouveler.
















Contrairement au concert du mois de mars à Grrrnd Zero où Hallux Valgus avait enchainé directement après Ulrike Meinhof/Meurthe et où les deux groupes avaient alors joué ensemble un titre à haut potentiel fractal, le duo noise/punk/no wave le plus exaltant du moment enquille son set tout seul, enfilant les compositions de son excellent demi LP Gale = Paranoïa + Psychose + Frustration. Hallux Valgus est – rappelons le – la réunion de Franck Gaffer (aka Sheik Anorak et déjà vu en concert en début de semaine avec son trio d’improvisation Kandinsky) et de Pavel (force obscure de La Race et ancien guitariste de Death To Pigs***). On voit déjà le niveau de ces deux là, bien qu’ils s’en défendent, le guitariste s’évertuant comme d’habitude à ne bouger son grand corps qu’au strict minimum alors qu’il se plait par contre à nous sortir des sons de malade avec sa guitare et son lapsteel.
Je suis calé du côté de la batterie mais cela ne m’empêche pas de l’entendre parfaitement cette guitare, même si à ce sujet les avis seront divergents : après le concert certains émettront l’avis qu’Hallux Valgus ne jouait pas assez fort pour être vraiment fou. Diantre. Pour ma part, ce fut amplement suffisant, suffisant en tous les cas pour goûter à la noise minimaliste du duo. Et puis voilà aussi que Meurthe revient jouer avec les deux pieds tordus. Un long titre, tout nouveau, que les trois musiciens se sont promis d’enregistrer dans la foulée et que j’espère bien pouvoir réentendre rapidement sur un disque. A noter un final harsh/noise et fessier du meilleur effet mais malheureusement non documenté en images pour cause d’appareil photo défectueux. Too bad.
















Il y a deux ans Michael Morley alias Gate avait complètement retourné les quinze personnes présentes avec un concert guitare et voix hypnotique et inspiré. Il recommence ce soir dans la même veine mais laisse tomber trop vite sa guitare pour se concentrer sur son laptop. Après une transition/crash en direct complètement désastreuse (qui le fera rire sous cape lui aussi), Michael Morley s’essaie en vain à bidouiller une sorte de techno cheap et sautillarde aussi bandante qu’un titre de Depeche Mode en version Boudu Sauvé Des Eaux. Ce que l’on avait pu écouter à la maison du dernier album du bonhomme correspond malheureusement à cette nouvelle orientation plutôt osée mais, honnêtement, le résultat n’est pas très loin d’être lamentable.
Michael Morley est un homme éminemment sympathique, il aime la bonne bouffe, il est complètement myope et aussi attendrissant qu’un Droopy sentimental, il a joué et joue encore dans l’un des groupes les plus géniaux mais aussi les plus sous-estimés des XXème et XXIème siècles (The Dead C pour ne pas le nommer) et donc le voir et l’entendre se vautrer ainsi donne forcément mal au cœur. Il redressera quelque peu la barre après, filant tout droit dans une musique ambient pas terriblement originale, finissant sur un peu plus de bruit, mais le mal est dans la place : je décroche du concert, je garde dans ma poche les petites étoiles que j’avais prévues de m’accrocher dans les yeux pour l’après concert et rentre à la maison, finalement à un horaire somme toute raisonnable. Désolé Michael, je t’aime quand même toujours énormément, je reviendrai sans hésiter te revoir jouer si jamais tu repasses une troisième fois en concert par ici mais surtout, s’il te plait, je t’en conjure vraiment, viens jouer en Europe et en France avec The Dead C pour que tout le monde sache enfin qui est le vrai patron dans ce monde de merde. Amen.

[pas beaucoup de photos mais quelques unes quand même, ici]

* pour les accros, le S.K. Festival est en fait programmé sur deux jours, le second soir se déroulant au Kraspek Mysik (20 montée Saint Sébastien, Lyon 1er) et étant l’occasion de voir et d’entendre les formidables No Drum No Delay – s’il y a des lyonnais qui lisent ceci et s’il n’est pas encore 21 heures, sachez qu’il n’est donc pas trop tard pour passer une bonne soirée
** par exemple celui-ci, se déroulant ce samedi 11 décembre avec Redneck Manifesto, Crëvecœur et Sheik Anorak – absolument immanquable !
*** ce sont des choses qui arrivent