dimanche 19 décembre 2010

Jonathan Kane / Jet Ear Party























Jonathan Kane est le batteur historique des Swans : il a été aux côtés de Mickael Gira le cofondateur du groupe et il a joué sur le premier EP des new-yorkais (1982) et l’album Filth (1983, en doublette infernale avec le nouveau venu Roli Mosimann). Mais Jonathan Kane a aussi fait ses armes auprès de Jac Berrocal, La Monte Young, Gary Lucas et Rhys Chatham – dont il reprendra le Guitar Trio sur son album February (publié en 2005 par Table Of The Elements) et ce avec une totale réussite. February est le premier enregistrement solo du batteur et celui avec lequel il a imposé sans aucune difficulté sa vision unique de la musique au fil de compositions hypnotiques et répétitives piochant directement dans le blues américain, voire la country. En parlant de blues et country il s’agit davantage ici de musique des grands espaces désertiques que de celle des bas-fonds enfumés. Fait notable, February a été enregistré par le seul Jonathan Kane qui pour l’occasion a assuré toutes les parties de guitare, la basse et bien évidemment la batterie (Igor Cubrilovic est juste venu prêter main forte à la guitare sur quelques titres, ce musicien trop méconnu basé à Genève est un collaborateur fidèle et régulier de Jonathan Kane).
Quelques enregistrements plus tard, Kane a eu le temps de peaufiner sa formule et sur Jet Ear Party – un album paru en juin 2009, lui aussi sur Table Of The Elements) fait toujours tout tout seul avec parfois l’aide de quelques amis, encore l’indéfectible Igor Kubrilovic (également crédité à la production et au mixage) mais également Anthony Kane à l’harmonica sur Smear It, David Watson à la cornemuse sur Thank You (Fallettinme Be Nice Elf Agin) – et oui une reprise du hit intersidéral de Sly & The Family Stone – et, fait notoire, Lisa B. Burns et Peg Simone au chant sur Up In Flames.
Jet Ear Party est la parfaite continuité de February et des EP I Looked At The Sun et The Little Drumer Boy et c’est aussi l’enregistrement le plus varié de Jonathan Kane, celui sur lequel il enfonce le clou d’un blues minimaliste et cru emmené par ses rythmes puissants (Smear It, Gripped et Super T-Bone, soit les trois premiers titres du disques) et celui sur lequel il se permet l’adjonction d’arrangements et d’instrumentations qu’il n’avait encore jamais osés jusqu’ici, la palme revenant très certainement à Up In Flames et ses deux chanteuses très propres sur elles. L’effet est au départ surprenant et, si on comprend que Up In Flames n’est qu’une récréation et une parenthèse pas désagréable sur Jet Ear Party (on se croirait au beau milieu de Twin Peaks en compagnie de Julee Cruise), on préfèrera l’entêtement forcené d’un Super T-Bone et les chevauchées de Blissed Out Rag et Jet Ear Party – tous deux excellents. Quant à la reprise de Thank You (Fallettinme Be Nice Elf Agin) il faut bien admettre qu’elle est méconnaissable, Kane lui infligeant son traitement de choc habituel et son jeu de batterie ne retrouvant absolument rien du groove funky de l’original : ce titre aurait été une composition personnelle que cela n’aurait pas changé grand-chose. Le disque s’achève sur une autre reprise, Roller Coaster, célébrissime titre d’Ellas McDaniel aka Bo Diddley, et c’est l’explosion – presque rock’n’roll – sur une longue suite de près de neuf minutes alternant motifs aigrelets de guitares gorgées de feedback, un peu comme si Link Wray s’était invité à la fête. Et ça fait vraiment du bien.