mardi 15 avril 2008

L'évangile selon Carla
























Sans être un fervent admirateur de Carla Bozulich, on peut quand même reconnaître à la dame une aura particulière et une rigueur musicale au delà de tous soupçons. Ce qui n’est pas toujours suffisant puisque ses enregistrements (elle a une pléthore de groupes et de collaborations à son actif) peuvent s’avérer franchement pénibles car souffrant de l’effet de pause. On a beau me dire que la dame est sincère -voir certaines de ses prestations en concert absolument stupéfiantes- je n’y crois pas plus que ça. A vrai dire, je devrais m’en foutre mais Carla Bozulich en demande tellement qu’il est impossible de la différencier de son art. Le fameux débat. Ce n’est pas son précédent opus sur Constellation, Evangelista, qui pouvait me faire changer d’avis avec l’invention d’un post rock d’église suicidaire et hurlé, tu souffres beaucoup Carla et mes oreilles souffrent avec toi. Le concert de l’année dernière et correspondant à la parution de cet album ne valait guère mieux et me faisait même regretter le disque, c’est tout dire (oui je suis mauvais public).
Une année plus tard, Carla Bozulich est déjà de retour, toujours sur Constellation, mais cette fois ci sous le nom d’Evangelista pour un album qui lui s’intitule Hello, Voyageur. Explications : le nom du précédent album est devenu le nom d’un vrai groupe formé autour de la chanteuse, opération magique dont je croyais jusqu’ici que seuls les musiciens signés sur Tzadik s’étaient fait une spécialité. Un groupe donc, ce qui n’a pas empêché Carla Bozulich de s’entourer d’un grand nombre d’invités dont l’indéboulonnable guitariste Nels Cline ainsi que beaucoup d’autres, issus de la clique Constellation/Godspeed/Silver Mount Zion. La formation semble s’être stabilisée autour de Tara Barnes (basse), Andrea Serrapiglio (violoncelle) et Dominic Cramp (claviers, etc) -on ajoute un batteur (Jason Van Gulick) et on a le personnel de la prochaine tournée européenne.
Hello, Voyageur
est un album réussi qui à la fois contredit et confirme à peu près tout ce que l’on peut penser de Carla Bozulich. D’une grande variété de styles, il utilise en partie le spectre musical que la chanteuse/guitariste a visité au cours de sa déjà longue carrière. Winds Of Saint Anne renoue avec le côté sépulcral du précédent album tout en faisant clairement référence, tant musicalement qu’au niveau des paroles (the west is the best and the wind knows my name) au The End des Doors. Smooth Jazz flirte avec la no wave tribale tandis que Lucky Lucky Luck possède un petit côté jazzy faussement innocent lorgnant du côté de Lydia Lunch. For The L’il Dudes voit l’apparition des cordes made in Constellation et la larme à l’oeil qui va avec. The Blue Room est la plus belle chanson de l’album, d’une émotion rare (à moins que ce ne soit Paper Kitten Claw, berceuse désabusée). Truth Is Dark Like Outter Space est un véritable brûlot noise (merci à la guitare de Efrim). The Frozen Dress se fait inquiétant et torturé sans tomber dans le piège du plastigothique. Final halluciné de percussions fracassantes et de cuivres fantomatiques, Hello, Voyageur! est une chanson incantatoire et en définitive très inquiétante. Toutes les qualités extrêmes de Carla Bozulich y sont réunies.
Une énumération un tantinet fastidieuse qui pourrait dévoiler le caractère trop hétérogène et donc peu accrocheur de ce disque, or, il n’en est rien. A l’inverse, Hello, Voyageur permet de respirer, Carla Bozulich a su rendre sa musique plus digeste et accessible. Ce n’est pas encore la grosse joie de vivre mais cette fois ci, cela donne envie d’y croire.