mardi 22 avril 2008

The Dreamers


On prend les mêmes et on recommence : l’Electric Masada rempile sur cet enregistrement signé John Zorn et intitulé The Dreamers. L’avantage c’est peut être que Zorn lui-même joue au sein de la formation, voici donc un disque sur lequel on pourra entendre les feulements du maître se dit on. Erreur. Non seulement le saxophoniste se fait rare en tant qu’instrumentiste -par contre il frise l’hyperactivité (et le ridicule) en tant que compositeur, producteur et chef d’orchestre- mais qui plus est il est en fait quasiment absent de The Dreamers pour lequel il est pourtant crédité comme souffleur.
C’est vrai que la thématique du disque ne se prête à aucun débordement puisque il est la suite annoncé de The Gift (2001), album résolument lounge et tropical qui à l’époque en avait surpris plus d’un par son côté easy listening et cheap élaboré tendance pour un euro de plus on t’offre une deuxième paire de lunettes de soleil adaptée à ta vue et tu pourras aller faire le cake sur le pont d’un voilier bolloréen entre Bora Bora et Tahiti.























The Dreamers est bien plus varié et décousu que The Gift. Il garde le côté quand c’est trop c’est tropico qui fait hurler de rire (Mow Mow) mais s’aventure également dans le jazz d’appartement (forte démonstration pianistique de Jamie Saft sur A Ride On Cottonfair) et le polar(oid) noir de chez noir avec l’emballant Anulikwutsayl sur lequel on croit enfin deviner la présence de John Zorn -claquements secs de clefs de saxophone alto et cris inquiétants filtrés à la hanche en balsa. Sur l’anecdotique Toys le saxophone est bel et bien présent. Ce titre marque pourtant le début de la dégringolade de The Dreamers -toutes proportions gardées : cela ne volait quand même pas bien haut jusqu’ici- et d’un désintéressement qui malheureusement ne va aller qu’en s’accroissant. Of Wonder and Certainty flirte avec l’insignifiance tandis que sur Exodus Marc Ribot se prend pour Santana, véritablement foutage de gueule car tout le monde sait pertinemment que le guitariste basé à Brooklyn vaut bien mieux que le joueur de boogie jazz cubain. La fin du disque (Forbidden Tears) évoque l’inévitable Ennio Morricone, figure de proue selon Zorn mais dont il ne semble plus ne retenir que les mauvais penchants -et quand on connaît ce que pourtant le new-yorkais avait réussi à faire de la musique de l’italien sur The Big Gundown, cela laisse comme un goût amer dans la bouche. Nekashim est un très vague thème klezmer joué au xylophone. Seuls Mystic Circles avec sa guimbarde, son piano électrique et son rythme répétitif réveille un peu l’auditeur avant le final en demi teinte de Raksasa qui joue à nouveau sur les ambiances cinématographiques.
On se dit alors que The Gift n’était peut être pas si mal. Ce n’est pas l’emballage très soigné du disque (pochette cartonnée, inserts en papier claque et auto collants japoniais mais animaliers) qui fera de The Dreamers un essentiel de John Zorn et surtout un essentiel d’Electric Masada -pour en découvrir un : sauter cinq cases en arrière, économiser dix euros au passage et écouter sans modération At The Mountains Of Madness, enregistrement live époustouflant alliant l’incandescence du meilleur d’un Miles Davis encore récemment électrifié (1969) et la puissance harmonique et lyrique des meilleurs Masada. Du coup, la date d’Electric Masada le 24 juin à la Cité de la musique de Paris et consacrée à The Dreamers incite au découragement. On lui préfèrera très nettement celle d’un Painkiller enfin reformé dans son line-up originel (à moins que Mick Harris ne pète à nouveau un boulon) et accompagné de Patton le criard et de Frith le vieux singe blanc.