Parce que on ne va pas passer l’été à n’écouter que des rééditions de vieux machins -même si des fois c’est ça qui fait le plus envie- et en dépit du bon travail réalisé par Crucial Blast pour la ressortie du IIIrd Gatekeeper de Skullflower, intéressons nous de plus près à l’actualité plus récente du groupe de Matthew Bower.
Depuis la remise en activité de l’entité Skullflower au début des années 2000, notre bonhomme a multiplié les parutions, avec des line-ups différents (et parfois même non spécifiés) et en cette année 2008 ce n’est pas moins de deux albums de Skullflower qui ont vu le jour : Desire For A Holy War sur le micro label Utech records et Pure Imperial Reform sur le tout aussi confidentiel Turgid Animal records. De quoi s’offrir une petite remise à niveau : en effet, à quoi peut bien ressembler la musique de Skullflower aujourd’hui ?
La première réponse, celle apportée par Pure Imperial Reform est la plus radicale. Un seul titre composé d’un mur du son (j’ai lu les termes de noisedrone et de powerdrone à propos de ce disque, haha) complètement barré et enregistré dans des conditions jugées catastrophiques à l’écoute. Pourtant le label nous assure que cette pièce bruitiste mise en boite avec la complicité de Lee Stokoe (Culver, Bandril et sûrement quelques autres encore) a été produite l’année dernière dans les studios d’un radio à Antwerpen, Anvers pour celles et ceux qui ne parlent pas couramment le néerlandais. On est tout disposé à croire cette histoire de radio mais le résultat est tellement renversant, lo-fi et brutal qu’avoir une telle radio dans sa ville deviendrait un rêve des plus fous. Malheureusement, si cette fameuse radio belge existe bel et bien, son nom n’est précisé nulle part.
Basiquement, les quarante deux minutes qui composent Pure Imperial Reform ne présentent qu’un immense bordel de saturation à volume ultra puissant et propice à toutes les hallucinations auditives possibles et imaginables (quoique… ce n’est pas de la voix que l’on entend parfois, comme lorsque Philip Best faisait encore partie de Skullflower ?). Cela ne peut que s’écouter très fort, pour la convivialité et la vie de famille il faudra repasser, et c’est presque aussi éprouvant qu’un enregistrement live de Keiji Haino. On évitera à propos de ce disque de parler de drone car de répétitivité il n’y en a point, tout se joue sur l’imbrication des sons qui sont expédiés à un tel volume qu’ils bavent, l’ultime de la saturation cimentant ce magma destructeur.
Avec Desire For A Holy War on est très loin également des structures plus formelles remises en mémoire de tout un chacun par la réédition de IIIrd Gatekeeper, cela fait bien longtemps que Skullflower ne joue plus cette musique qui a tant inspiré Justin Broadrick pour Fall Of Because/Godflesh. Il n’empêche que sur le septième et dernier titre, Divinus Deus, il y a des percussions, tout du moins un rythme, provocant chez l’auditeur quelques réminiscences.
Le line-up du groupe pour l’enregistrement de Desire For A Holy War n’est précisé nulle part, les titres semblant avoir été enregistrés lors de sessions différentes -par exemple la qualité du son sur Moses Conjured A Blood Niagara n’est pas très éloignée de celle que l’on trouve sur l’album Pure Imperial Reform. En prendre pour une cinquantaine de minutes divisées en sept titres est toutefois plus physiquement acceptable que d’en prendre un bon coup de quarante. L’inconvénient étant que l’effet hypnotique et hallucinogène du bruit a du mal à s’installer, il le fait surtout avec moins de profondeur. Selon les plages, on passe du nuancé (Your Cities, Your Tombs) au plus radical (Eve's Dreams) sans oublier le très curieux Frozen Spectres, comme enregistré de très loin (des chiottes ?), à la limite du paysage sonore dans lequel on devine des rythmes, un semblant d’intention formelle et des guitares en saccade à la Spacemen 3.
Serbonian Bog n’en est pas moins déroutant avec ses curieux bruitages percussifs (genre boite à rythmes en mode aléatoire et découpée au mixeur) tandis que Unholy, Inhuman revient vers les canevas et entrelacs de guitares traversés de stridences maladives. Divinus Deus est donc le dernier titre et c’est aussi celui qui pourrait rappeler le plus le Skullflower d’antan, déjà dit, c’est aussi le titre le plus ouvertement psychédélique de Desire For A Holy War, celui où la guitare sans fin de Matthew Bower dévale un long solo sans queue ni tête dont le guitariste a le secret.
[Il y a un site non officiel de Skullflower… une fois sur deux l’URL ne fonctionne pas, il faut donc persévérer.]