Dans la catégorie seconds couteaux, Soilent Green fait figure d’exemple parfait : des membres d’EyeHateGod (le guitariste Brian Patton) ou de Crawbar (le batteur Tommy Buckley), un chanteur au style souvent décrié et dont l’autre groupe (Goatwhore) est très loin également de faire l’unanimité. Longtemps affilié à l’écurie Relapse records, Soilent Green et son nom de science fiction ont décidé d’émigrer sur Metal Blade pour le nouvel album, rejoignant Goatwhore, justement. On passe rapidement sur les assassinat ou disparition -pour cause d’ouragan- des anciens membres, ces péripéties sordides le groupe n’en joue d’ailleurs pas plus que ça, quelques notes en forme d’hommage dans les pages du livret du dernier album, du loving memory en veux tu en voilà, de la fierté douloureuse de gros durs, de l’honneur tribal. C’est que Soilent Green est une formation originaire du même bled que les autres groupes déjà mentionnés, la Nouvelle Orléans et alentours, et c’est cette origine qui semble être l’élément déterminant dès que l’on aborde le sujet purement musical.
Pas de hard core noise, lent, lourd et poisseux à la EyeHateGod/Buzzov-en, pas de trip seventies et sabbathien non plus mais quelques accents marécageux de ci ou de là, des interludes vaguement cajun entre les titres, un son de guitare qui dans les parties lentes prend des airs étrangement connus. Parties lentes ? Oui car le reste du temps Soilent Green est en groupe qui manipule un grind à la fois technique et sauvage, de plus en plus proche des prouesses au scalpel d’un metal moderne et constipé -s’éloignant par là même du houblon et de la fumée bleu, reléguant le côté crust de sa musique à un esprit plus qu’à une forme d’exécution proprement dite.
En réécoutant l’album Sewn Mouth Secrets (datant déjà de 1998) on peut mesurer tout le chemin parcouru jusqu’au présent Inevitable Collapse In The Presence Of Conviction. Pour obtenir ce résultat bancal -la haute teneur en metal froid et dur du disque contraste fortement avec le riffing très southern de certains breaks qui pourtant nécessiteraient à la fois plus de gras et plus de moiteur- Soilent Green a été aidé par Erik Rutan, frontman d’Hate Eternal et ex Cannibal Corpse, également producteur et possédant son propre studio, studio tellement moderne et digital qu’il en donnerait une bonne et fatale crise d’apoplexie au binoclard de l’analogique. Il en résulte un album énorme de puissance dans le droite lignée de son prédécesseur (Confrontation, en 2005), enregistré dans les mêmes conditions.
Mais le plus gros apport sur Inevitable Collapse In The Presence Of Conviction est tout autre. Soilent Green -sans dévier de ses habituelles accélérations, depuis le temps le batteur a appris à faire des blasts efficaces- joue de plus en plus sur l’accroche mélodique et surtout sur un groove surpuissant et irrésistible dont il pare à merveille ses parties plus prosaïquement soupoudrées de boue sale et collante. Le groupe prend sans cesse des virages à 180°, dégainant des rythmiques infernales pour mieux déballer son gras double et ses tripes à l’ancienne. Soilent Green arrive finalement très bien à faire oublier le niveau de jeu très metal de son grind (les breaks successifs de Antioxidant) et on se dit que le groupe a fait le bon choix en optant pour ce type de production mettant davantage en relief ses particularités sudistes qu’on aurait pu le penser au départ.